CHAP 3... Communautés rurales et urbaines
Deux aspects fondamentaux de la fin du Haut Moyen Age sont à rappeler : l'aspect politique et seigneurial et l'aspect religieux. Mais maintenant, apparaît un nouveau protagoniste : la communauté villageoise.
I] Ville et campagne entre XIe et XIIIe siècle
A/ Ordre seigneurial et essor des centres de peuplement
Par rapport au système seigneurial, les communautés peuvent se considérer
comme l'autre facette d'un même médaille : les liens entre l'essor du peuplement et du
développement agricole, et la seigneurie sont fondamentaux. En effet, le peuplement ne se
fait pas dans un monde clos, et tout ce qui est pouvoir est lié à la seigneurie.
1) Seigneurie et
communauté rurale
La mise en place des communautés villageoises est
très proche chronologiquement du paroxysme châtelain (1070-1130). C'est en
effet grâce aux seigneurs, que les centres de peuplement se créent et se structurent :
c'est le seigneur qui concède les chartes de droits
et de devoirs.
Ces
communautés deviennent même les points forts de l'économie seigneuriale, devenant des
zones privilégiées de l'économie seigneuriale. Indiscutablement, des liens étroits
relient l'essor des communautés rurales et la présence des pouvoirs seigneuriaux.
2) La ville et le monde rural
Dans un monde essentiellement rural, il est naturel
que le développement urbain se fasse en relation avec la campagne : c'est là qu'habitent
les seigneurs, notamment les seigneurs
ecclésiastiques, et les agents
administratifs royaux. Entre XIe
et XIIIe siècle, se sont les campagnes qui développent
la ville ; de même, l'essor villageois eut été manchot s'il n'y avait pas des liens
entre les seigneurs fonciers et la ville.
Dans les villes, les responsables du pouvoir local sont la communauté
d'habitants. Ils acquièrent des capacités de commandement sur la ville elle-même et son
entourage. Mais il existe des différenciations très nettes d'une région à l'autre :
l'ampleur des pouvoirs administratifs et politiques qu'accapareront les communautés
villageoises les déterminant.
On remarquera assurément un accroissement du pouvoir local ! Cela signifie
que c'est à partir du morcellement des structures d'encadrement que se fait cette
nouvelle régionalisation des pouvoirs.
B/ Villes européennes et communes italiennes
Des différences apparaissent concernant la physionomie interne de la ville ;
trois aspects distinguent les communes italiennes des autres :
Aspects culturels : En Italie et dans le midi français, les villes
se sentent les filles de l'antiquité romaine, reprenant leurs valeurs. Au nord, elles
sont une création ex-nihil du Moyen Age
Aspects
sociaux : au sud, on remarque une composition riche des élites urbaines : des
seigneurs, des grands marchands et des évêques. Au nord, il y a unité des élites au
sein d'un type social : des seigneurs ou des ecclésiastiques.
Aspects
politiques et institutions : Au nord, les villes et leurs communes se développent à
l'intérieur du monde seigneurial, par des chartes concédées par les seigneurs. En Flandre et Rhin, les villes arrivent à s'en détacher. Au sud, les villes deviennent
leur propre seigneur, autour des évêques, agissent les citoyens de la ville. Au XIIe siècle, les gens développent leur propre
commune qui prend en main les affaires politiques, dialoguant tête-à-tête avec
l'empereur lui-même.
II] Les communautés rurales
L'essor de ces communautés est un fait du XIIe siècle ; il
correspond à une seconde phase entre seigneurs et paysans, après la "piraterie
seigneuriale" du XIe. On voit apparaître alors les coutumes qui forment
un équilibre entre les droits des seigneurs et ceux des paysans.
A/ Le renforcement des solidarités paysannes
Indiscutablement, l'essor du village et source de solidarité. L'ensemble des
voisins se réunissent pour préserver leurs intérêts. Il se développe alors une idée
de responsabilité collective par rapport au seigneur. Elle correspond au développement
des chartes de coutumes.
C'est aussi
la période des défrichements qui ont fondé des villes neuves bénéficiant de
privilèges économiques et parfois même sociaux. Cette liberté acquise par ces nouveaux
villages va se propager vers les nouveaux villages, par voie de contagion. Il y a une
volonté donc de défendre les acquis des chartes de
franchises.
B/ Les chartes de franchises : profil et contenu
Ce sont les types même de la normalisation des rapports entre seigneurs et
paysans, par le biais de traités juridiques. Elles fixent les limites aux droits paysans
et seigneuriaux, elles mettent également en place une "liberté" personnelle
des paysans.
Les seigneurs en sont motivés par un besoin d'argent : la charte se
monnaye... mais le plus souvent, le contexte conjoncturel est inconnu : les chartes
suivent de loin les évènements.
Leur contenu est fort variable. Mais, toutes chartes concédées fixent les
droits des deux parties. Ces chartes sont présentes dans l'ensemble du royaume, bien que
tous les bourgs n'en reçoivent pas (les chartes ne concernent que 10 à 20%). Il existe
différents types de chartes :
Les
chartes de franchises : elles correspondent à une autonomie
fiscale et économique. On y fixe la taille, les limites de la redevance seigneuriale,
etc. Elles représentent la moitié des chartes.
Les chartes d'échevinages : elles ont une
sphère d'autonomie économique et administrative. Le seigneur choisi un représentant de
la communauté qui réglera les conflits (1/6 des chartes)
Les chartes lois : elles accordent une
autonomie économique, administrative et partiellement législative. (1/6 des chartes)
Les chartes de communes : l'autonomie
concédée aux chartes rurales. La commune est une personnalité juridique, il existe un
sceau de la communauté villageoise, une milice villageoise ; des représentants sont
élus par la communauté et non par les seigneurs. (1/6 des chartes).
¼ des chartes avant 1190. /// ½ des chartes : 1190-1240.
/// ¼ des chartes sont postérieures.
Le Nord et l'Est de l'espace français sont privilégiés ; dans le centre
de la France, où domine le roi, les chartes sont moins nombreuses mais elles
bénéficient d'un pouvoir royal à la recherche d'un renouveau de son pouvoir.
III] L'essor urbain en Europe
A/ Qu'est-ce qu'une vile ?
Cinq critères sont retenus pour caractériser une vile : les formes
d'urbanisme, le nombre d'habitants, la mentalité de la communauté, la législation et
les rapports avec la campagne.
Toute ville doit avoir un marché hebdomadaire au moins. Il lui faut une
muraille également ainsi qu'un évêque. Les plus grandes villes : Paris 200 000 habitants, Bruges, Ypres. Les habitants commencent à se faire appeler bourgeois au nord et en Allemagne. Les villes commencent à avoir une
réglementation institutionnelle, avec des statuts. Finalement, la ville domine
économiquement sa campagne, même parfois politiquement.
B/ Un essai de typologie urbaine
Il s'agit de déterminer des modèles et des critères urbains : l'origine,
la composition des élites et le niveau d'autonomie politique.
Les villes du sud sont souvent d'origine romaine. Les élites peuvent y être
d'une ou plusieurs catégories sociales.
L'autonomie des villes vis à vis des seigneurs et du roi est variable. On
peut remarquer trois cas : des villes seigneuriales, semi-autonomes ou indépendantes. Les
villes seigneuriales forment la majorité (elles ont reçu des chartes de franchises qui
ne concerne qu'une autonomie limitée). Les villes semi-autonomes sont intégrées dans un
système politique plus large. Ce sont en Allemagne les villes d'empire (Reichstadt).
Le but est
de mettre en évidence la complexité juridique institutionnelle et politique du monde
villageois.
C/ Les institutions urbaines en France
1) Flandre et la vallée du Rhin
C'est un continuum d'agglomérations. L'essor
urbain est directement lié à un développement économique (textile de la laine), dans
une région dirigée par une politique forte. Ce sont des villes marchandes.
Dans cette région, l'auto gouvernement urbain avec des serments d'entraide
mutuelle domine.
2) La France
royale
Elle voit une concurrence entre le pouvoir de
l'évêque et celui des habitants, ce qui entraîne des soulèvements parfois. Le plus
souvent, la communauté urbaine l'oblige à reconnaître ses volontés d'autorité.
Le rôle du roi dans l'essor des communes est indéniable. Elle est aussi
pragmatique : il appuie toutes les revendications des villes épiscopales situées dans
les marges des terres qu'il domine directement. Il renforce ainsi son pouvoir territorial.
3) Le midi
provençal
C'est une région de droit écrit ou se développe
rapidement le notariat. Les villes provençales vont se doter rapidement d'institutions
communales qui sont le fait de l'ensemble de la communauté. C'est le seul endroit ou la
ville se commande : on y trouve les consuls élus par les concitoyens.
Dès le milieu du XIIe siècle, elles apparaissent comme de
véritables seigneuries collectives avec leurs bannières, leur sceau etc...
L'aristocratie domine la ville de l'intérieur : seigneurs et chevaliers choisissent de
gouverner et d'habiter la ville.
Texte établi à partir d'un cours de faculté en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 23/03/99