CHAP 2... L'Eglise et l'Empire IXe-XIIe siècle
En Francie Orientale, la relation entre pouvoir religieux et laïc est issue d'une longue concurrence entre papes et empereurs. Ce conflit a un enjeu principal : la place qu'il faut donner à chacun de ces pouvoirs.
I] Eglise et empire en conflit : la querelle des investitures (1075-1122)
La sacralité de l'Empire
est liée aux capacités de l'empereur a exercer un pouvoir politique, ce qui signifie,
dans un cadre de régionalisation, que la sacralité impériale à tendance à s'étioler.
En Germanie, les
protagonistes du pouvoir impérial sont avant tout des évêques et des abbés de l'Eglise
impériale. Toucher à ces structures, c'est donc atteindre l'organisation politique.
Du coté de l'Eglise, la sacralité se renforce grâce à l'action des moines et prélats
réformateurs qui furent impériaux. Vu que cette sacralité pontificale s'accroît, elle
va remettre en cause la conception carolingienne d'une autorité morale. Il va y avoir
centralisation autour de la papauté et hiérarchisation de la structure.
Les papes
entendent alors contrôler l'ensemble de la société, tandis que les empereurs tentent de
conserver leur caractère sacré et leur organisation politique.
La querelle
qui s'en suit n'est pas tant techniquement sur les investitures que sur la modalité de la
transmission des pouvoirs religieux. L'idée qu'un roi ou empereur, une personne laïque
donc, intervienne dans la nomination de l'évêque est mal vue des religieux. Les laïcs,
eux, ont peur que le contrôle des actions politiques des religieux leur échappe
A/ Le déroulement des évènements
Grégoire VII, en 1075 au cours
d'un concile, interdit aux évêques et abbés toute investiture laïque. On abandonne
l'idée carolingienne d'alliance entre Empire et Eglise. Mais ce décret n'eut pas de
conséquences immédiates.
Le pape est
soutenu par les nouvelles principautés normandes d'Italie, tandis que l'empereur Henri IV, doit d'abord combattre les saxons.
En 1076, l'empereur convoque une
assemblée d'évêques, sous le contrôle de l'empire, qui refuse alors toute obéissance
au pape.
En Février 76, Grégoire VII au cours du concile de Latran excommunie l'empereur,
déliant ainsi les évêques de leur serment.
Henri IV, décide alors de trouver un accord lors de l'entrevue
de Canossa en 1077. L'empereur est réintégré
ensuite. Mais cet événement demeure une péripétie de l'histoire.
L'année d'après, Grégoire VII réitère la condamnation de l'investire laïque ; Henri IV réunit encore une assemblée
d'évêques en 1080 où il fait élire un antipape en la personne de Clément III.
Grégoire VII re-excommunie l'empereur
Les deux
parties restent ensuite sur leur position. En arrivant en Italie, l'empereur se fait sacrer par Clément III après avoir chasser le pape. Mais la mort de Grégoire ne remet rient en
cause, avec son successeur Urbain II (1088-1099) qui continue la politique de Grégoire.
Urbain II
va aller à Clermont, appelant
à la croisade le royaume de Francie Occidentale. Il préside aussi un concile qui
interdit à tout religieux de prêter quelconque hommage à un laïc. On remarque au
passage l'importance des liens vassaliques. De son côté, l'empereur confirme ses
positions.
B/ Les protagonistes
Fin XIe siècle,
l'"opinion" considère que les liens entre empereur et évêque sont un peut
trop important ; de l'autre côté, on ne perçoit pas mieux une nomination du haut
personnel religieux qui ne dépendrait que des clercs. Cela parce qu'ils étaient des
protagonistes actifs de la politique de l'empereur. Leur pouvoir et leur autonomie
politique dépend ainsi des concessions de l'empereur. Evêques et abbés, de plus, sont
souvent choisis parmi les grandes familles de la région, parmi les chanoines du chapitre.
Ors les évêques veulent conserver ces privilèges politiques impériaux,
une bonne partie d'entre eux ayant participés aux assemblées anti-pontificales. C'est
donc la recherche d'un compromis assez flou qui devrait être accepté par tous.
C/ Le compromis
La recherche de compris va
couvrir les deux premières décennies du XIIe siècle, au cours de trois
phases.
1) Le compromis
canonique
Il voit apparaître comme protagoniste Yves de Chartres qui propose de distinguer
d'un côté le pouvoir spirituel des évêques représenté par l'ordination par un
archevêque ou pape, et de l'autre côté le pouvoir temporel représenté par
l'investiture laïque.
La question qui reste posée : le cas spécifique de l'empire. Yves est de Francie
Occidentale
2) Le compromis rationnel
Elle, d'origine impériale, se manifeste lors du concile de Sutri en 1111.
L'empereur abandonne tout regard sur les nominations, mais il retire tous les droits
temporels des évêques !
Ce second
compromis n'a aucun succès : les évêques entendent bien conserver leur pouvoir
temporel.
3) Le compromis politique
En 1122, au concile de Worms, en reprend les idées du
compromis canonique pour l'empire (royaume de Germanie, d'Italie, et
de Bourgogne).
Dans le
rituel de l'investiture on distingue deux temps. Le premier, religieux, où les évêques
sont nommés selon les canons par une autorité religieuse ; dans un second temps,
l'empereur considère les régales, investiture temporelle.
Dans le concordat de Worms, l'empereur peut assister
aux élections, et trancher quand il y a deux candidats en Germanie, le pape fait de même en Italie.
Deux
conséquences :
Ce projet dirige le catholicisme en tant que
structure, vers une monarchie papale.
Distinction toujours plus claire entre les
élites laïques et les élites ecclésiastiques.
II] Pouvoir religieux et pouvoirs laïcs
Après le concordat de Worms, la papauté commence à
intervenir de manière toujours plus fréquente dans les affaires temporelles. Il y a une
volonté d'intégrer la hiérarchie ecclésiastique et sa suprématie dans la société.
Elle prend son apogée sous Alexandre III (1159-1181).
Pour
comprendre comment cette papauté a pu élargir son intervention sur l'ensemble de la
chrétienté, il faut comprendre les moyens du pouvoir pontifical.
A/ Les moyens de la théocratie pontificale
Le patrimoine de Saint Pierre va être
rationalisé, le contrôle seigneurial du pape sur ses terres va s'affirmer de plus en
plus avec l'apparition du liber censum qui recense toutes les redevances dues.
Outre ce
patrimoine, elle peut compter sur le cens des royaumes qui se disent vassaux (Normands d'Italie, Portugal, Aragon). Les monastères payent aussi un cens pour leur exemption, ainsi que les
villes etc.
En matière
législative, les canons sont rationalisés, ils sont collectionnés, acquérant ainsi une
véritable légitimité juridique. Cela permet l'essor d'un gouvernement de cardinaux sur
lequel se greffe une administration papale. Les décrets papaux se multiplient et on voit
apparaître les légats pontificaux... Tout cela entraîne une bureaucratisation et la
formation d'une cour. La cérémonie de l'élection du pape est codifiée.
B/ Papes, Rois et empereurs
Dans le conflit entre les
différents protagonistes, le pape est à la tête d'une théocratie et Frédéric Barberousse entend bien
récupérer la centralité politique de l'Empire, y compris face aux pouvoirs croissants
du Pape.
Frédéric
I fait donc élire un antipape, Victor
IV, signe d'une volonté d'affront. Le problème c'est qu'il
doit affronter le Pape, mais aussi les communes italiennes. Le conflit se déplace alors
en Italie ; Frédéric descend avec son armée et participe à la réunion de 1158
à Roncaglia au cours de
laquelle il prend une position dure contre le pape et les villes italiennes.
C/ Un regard sur le monachisme : Cluny et Cîteaux
Les deux monastères sont
à mettre en parallèle
Cluny : Prière, ostentation de la richesse, liturgie importante avec le
travail manuel des moines mis entre parenthèse. Cluny apparaît avec des pouvoirs
seigneuriaux de ban utilisant souvent des mains d'uvres serviles. Les clunisiens
forment une congrégation, un ordre fortement hiérarchisé
Cîteaux : insistance sur le travail
manuel, la pauvreté. Cîteaux au contraire ne s'intéresse qu'à la seigneurie foncière,
refusant de mettre la main sur des seigneuries banales. Cîteaux forme une structure
horizontale, une fédération d'abbaye.
Texte établi à partir d'un cours de faculté en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 23/03/99