CHAP 1... Les autres mondes : Byzance et l'Islam
I] De l'empire romain d'Orient à l'empire byzantin (IVe-VIeS)
Pour comprendre ce passage, il
faut avoir clairement l'idée de l'existence d'une continuité entre l'empire romain et le
nouvel empire qui se constitue, héritage global, à la fois économique, institutionnel
et religieux qui va se plier à une adaptation orientale.
On va ainsi voir le poids des structures romaines, puis celle de la religion et enfin le
renouveau hellénistique de l'empire.
1) Le poids des structures romaines
Ce poids s'est généralisé : l'empire se
reconnaît en sa capitale, Constantinople, avec une administration très importante et un profil de l'élite et de
l'idéologie de l'empereur romain.
a. Un empire, une capitale
Située sur le détroit
du Bosphore, à l'origine colonie grecque, la ville est
refondée par Constantin. Dès 330,
elle veut se montrer comme une nouvelle Rome avec une administration centrale, un sénat et des officiers. Très vite,
elle devient donc une capitale, demeurant au cur de l'empire jusqu'à la quatrième
croisade qui verra sa chute.
Elle
passera de 100 000 habitants sous Constantin à 400 000 sous Justinien ; Au Xe siècle,
elle atteint même le million d'habitant.
Dès ses débuts, elle devient le siège de la religion, abritant le plus
important des patriarches
(Il y en a un à Rome, Constantinople, Jérusalem, Alexandrie, et
Antioche). Le christianisme est
alors une religion urbaine dès ses premiers pas.
b. L'administration
La nouvelle capitale est de plus un centre
administratif de type romain : elle s'appuiera sur son sénat, établissant une
distinction entre administration militaire et administration civile. Au Ve
siècle, on compte déjà mille fonctionnaires.
Cette administration fonde son contrôle du territoire sur la fiscalité.
Cette dernière va demeurer jusqu'en 1453, date de la chute de Constantinople. Pièce maîtresse du
contrôle de l'Etat sur le territoire, elle va fortement influencer le profil de la
société byzantine.
En
Occident, plus on entre dans le Moyen Age, plus la suprématie se fonde sur le contrôle
d'offices et de terres. En Orient, les paysans seront toujours soumis à l'impôt de
l'Etat, et resteront libres de droit ; les aristocraties seront donc des aristocraties de
fonctions, en liaison avec l'Etat.
c. Les élites
Ces élites, pendant ses premiers siècles, sont de
type romain, sénatorial et urbanisé. Le pouvoir impérial lui-même demeure romain, sans
successions dynastiques avant le IXe-Xe siècle. L'idéologie de l
'Empire prolonge les racines romaines au travers de l'idée universaliste, idée qui
perdure pendant plus de mille ans. D'ou la volonté au VIe siècle, de
récupérer les anciennes terres impériales en occident.
Sur ces fondements va se greffer un renouveau urbain de la religion chrétienne.
2) Un empire chrétien
Dès le début, il y a une différence de taille
avec l'occident. A Constantinople se confrontent deux pouvoirs forts : d'un côté l'empereur, et de
l'autre le patriarche. Cela va amener concurrence et conflits entre ces deux sources de
légitimité. Chacun des deux ayant tendance à empiéter dans les sphères d'autorité de
l'autre.
La religion
chrétienne a une importance indiscutable. Les conciles de Nicée (325) et de Chalcédoine (451), les plis importants pour les dogmes chrétiens, se
déroulent donc en Orient. Le monde byzantin sera très souvent le lieu des querelles
dogmatiques qui n'ont pas leur équivalent en Occident.
Ces
conflits commencent par des problèmes de représentation des pouvoirs du Christ (l'arianisme), puis de sa nature. Les nestoriens insisteront sur l'humanité du
Christ ; ils vont être excommuniés au concile d'Ephèse (431). Ensuite, une réaction des monophysites (le Christ est d'une nature) qui
seront excommunié au concile de Chalcédoine (451) au profit d'un christ unique à deux natures : les duophysites.
Le niveau
des élites en est plus haut ; derrière ces dissensions religieuses se trouvent des
oppositions géopolitiques au sein de l'empire, avec des marges qui s'éloignent d'un
droit dogme : Egypte, Palestine. A chaque concile, l'empereur
intervient pour trouver un voie intermédiaire, laissant la porte ouverte à de nouvelles
hérésies.
3) Un empire hellénisé
Le moment fondamental se trouve sous Justinien, entre 527-565. A la
différence de l'Occident, l'empire d'Orient n'a pas été touché durablement par les
invasions barbares. Avec Justinien, début VIe,
on remarque un passage. Du coté impérial, la volonté de reconquête des terres de
l'empire romain d'Occident : les guerres
gréco-gothique et en Afrique, qui seront finalement un échec.
On voit
aussi poindre des aspects orientaux, avec l'abandon du bilinguisme latin-grec au profit du
grec.
L'empire abandonne alors son rôle d'empire romain d'Orient pour sa particularité d'un
empire Oriental. Cet aspect se comprend en regardant une carte du monde byzantin, qui
s'étend essentiellement dans un monde oriental.
II] Byzance et l'Islam, concurrence religieuse et politique, VIIe-VIIIe siècle
On assiste à un essor et une naissance rapide de l'Islam, avec la fondation de structures politiques nouvelles, et de profonds changements dans le monde byzantin.
A/ La naissance de l'Islam
La péninsule arabique,
avant le VIIe siècle, était polythéiste. Notamment, un culte pour une pierre
noire : la Ka'ba. Dans
cette péninsule, on trouve aussi des communautés chrétiennes ou des royaumes juifs.
Elle forme une plaque tournante du commerce, tandis que l'organisation politique est
limitée avec des tribus et des clans. Elle ne fait partie d'aucun des grands empires de
son époque : byzantin ou sassanide.
Mahomet, né à La Mecque va avoir une vision en 610 de l'archange
Gabriel, qui lui dit de réciter les paroles de dieu, la Qura'a, le Coran. Après cette conversion, il
va raconter la bonne nouvelle ; en 622, commence le calendrier musulman :
c'est la première année de l'Hégire vers Médine,
centre de propagation de la nouvelle religion. Il retournera à la Mecque ou il meurt, laissant en suspens le
problème de sa succession.
Toute
l'organisation politique et sociale de l'Arabie va changer, avec le développement de
l'idée de communauté des croyants : la Umma. Il apparaît comme un penseur religieux et un pouvoir politique.
Très vite,
cette idée de communauté va faire apparaître l'Islam comme une seconde possibilité : chrétienté et Islam.
B/ L'expansion islamique et les transformations byzantines
1) Causes et conséquences de l'expansion islamique
Cette expansion sera très rapide. Les raisons sont
à la fois externes et internes. Externes : le monde arabe se trouve dans une situation
politique favorable : les guerres entre Perses et Byzantins battent leur plein ; de plus,
dans le monde byzantin se trouvent des problèmes internes, politiques et religieux,
importants avec de nombreux excommuniés aux périphéries de l'empire. De plus Byzance à des problèmes politiques en
Europe aussi avec des possessions fragilisées par les invasions
slavo-bulgares. De plus, l'armée byzantine est habituée à
des batailles rangées et non à des razzias : les Jihad
Les
conséquences : les Arabes vont être naturellement minoritaires dans leur nouvel empire,
et donc ils ne vont jamais demander la conversion forcée des autres. Une tolérance
religieuse s'annonce alors, qui a pour contrepartie la soumission politique et fiscale
avec l'apparition d'un nouvel impôt sur leur personne.
Pour le
monde arabe, on va encore utiliser le modèle de l'Etat romain pour les cadres politiques
avec la dynastie Omeyyade (661-750)
et les khalifes. Sous les
Omeyyades, il va y avoir une stabilisation de la religion avec le Coran qui devient le
texte officiel qu'il faut compléter avec les hadits, règle de vie du prophète.
2) Les transformations de l'empire byzantin
La première attaque de Constantinople aura lieu en 674.
Sauvée, elle subira néanmoins des transformations politiques et sociales. Il va falloir
modifier les structures de l'armée, entraînant des changements dans les structures :
elle va devenir une armée territoriale avec une localisation des armées. Et la société
elle-même va se militariser. La différenciation entre administration militaires et
administration publique va disparaître, avec l'apparition de circonscriptions
administratives et militaires : les thèmes.
Un
changement social suit nécessairement l'essor d'une armé nouvelle : le principe du
recrutement. Ce seront toujours les sujets de l'empire qui fourniront l'armée, mais se
seront surtout les paysans qui seront les gens de guerre, avec l'apparition d'une nouvelle
figure : le statiote. C'est un
paysan libre qui contribue lui-même à aller pour quelque temps faire son service armé
contre la possession d'un lopin de terre. Malgré cette militarisation, Byzance demeure un pouvoir étatique.
L'importance
accrue des grands chefs militaires et administratifs ainsi que des paysans libres va
entraîner un renouveau des aristocraties byzantines, de plus en plus régionales et
foncières. Cela va amener une ruralisation de l'empire, avec l'apparition de réseaux de
forteresses villageoises.
Ces
transformations vont réussir à sauver l'empire byzantin des sièges arabes. La prise de Constantinople devient un mythe arabe en
liaison avec la fin du monde.
A partir du
VIIIe siècle, et de la
bataille d'Akronion, la
frontière byzantine sur l'Est se stabilise. Mais en survivant, il va changer de dimension
politique, en passant à une dimension régionale et de moins en moins méditerranéenne ;
il est centrée maintenant sur l'Anatolie.
III] Le Proche-Orient à double face : VIIIe-XIe siècle
Il existe au Proche-Orient
une splendeur parallèle de Byzance et l'Islam.
Leur toile de fond est assez comparable avec une homogénéité culturelle : traduction
des grands philosophe gréco-romain par les Arabes. De même, l'emprunt de l'algèbre et
d'autres sciences aux arabes par les Byzantins.
1) L'empire byzantin : entre l'Asie et l'Europe
Les pertes des provinces périphériques
hérétiques vont déterminer la fin des problèmes dogmatiques. De même, il ne reste
plus qu'un centre culturel religieux : Constantinople. Mais cela n'annonce pas la fin des querelles religieuses qui vont se
poser sur la pratique de la religion. Un conflit sur la pratique, concernant le culte des
images, celui des icônes au VIIIe siècle. Elle va toucher les empereurs et les patriarches, opposant les iconodoules aux iconoclastes. Les iconoclastes, avec l'appui de l'empereur, décident qu'il s'agit
d'idolâtrie. Mais en 787 à lieu le Concile de
Nicée II, à la base du culte orthodoxe actuel, avec la
victoire des iconodoules.
Ce n'est
qu'au milieu du XIe siècle,
que l'on retrouvera des crises dans cette empire. A l'ouest, les Normands en 1071, impliquent
des défaites qui remettent en causes les frontières de l'empire.
2) La multiplicité des centres politique islamiques (750-1250)
On y dénote une étatisation, une administration
et une fiscalité poussée. Le passage des Omeyyades au Abbassides
change la géopolitique du Moyen-Orient : on passe de Damas à Bagdad.
Du point de
vue religieux, qui est aussi politique, les élites sentent le besoin d'une codification
de la nouvelle foi. On va alors distinguer trois grandes familles : les sunnites, les Chi'Ites et les Kharidjites, qui se querellent sur les Khalifes.
Les
premiers fondent leur interprétation de l'Islam sur le Coran et les adits.
Ils considèrent que le pouvoir politique éminent doit être maintenu à l'intérieur du
clan de Mahomet.
Les seconds
considèrent que le pouvoir suprême ne peut être détenu que par les descendants de Fatima et Ali.
Les
troisièmes pensent que le califat doit revenir au meilleur des musulmans.
Du point de
vue politique, le succès des Chi'Ites et importants, du Maghreb à l'Egypte, ce
qui facilite la multiplication des centres religieux.
Du point de
vue institutionnel : le renforcement d'une administration centrale proche de celle de Byzance. On va voir des dynasties qui suivent
l'Islam mais ne sont pas arabes, avec une intégration des élites locales non-arabes.
Dès le XIe siècle, l'autonomie toujours accrue des
pouvoirs régionaux va multiplier les vizirats et les émirats.
La civilisation islamique est éminemment urbaine, surtout après le Xe
siècle avec l'apparition d'un pouvoir régional établit autour d'une ville : ville
capitale - dynastie régionale. Ex : Bagdad, fondée par les Abbassides, Cordoue par
les dynasties d'Espagne, Le Caire
fondée par une dynastie Chi'Ites etc...
L'unité
idéologique et religieuse se maintient à partir d'une unification par la langue et
l'écriture.
Texte établi à partir d'un cours de faculté en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 23/03/99