CHAP 5... Le royaume de France, politique et institutions (XIIe au XIIIe)
Les aspects politiques et institutionnels sont alors importants : on se trouve devant un renforcement graduel des structures politiques, d'abord à un niveau régional, puis à un niveau national.
I] La réassurance princière et royale du XIIe siècle
Au XIe siècle, le roi n'est assurément pas le prince le plus important ; ce sont les autres princes qui vont commencer à soumettre les velléités des seigneurs. On a vu auparavant les seigneuries de plus en plus nombreuses et politiquement indépendantes ; à partir de 1130, on assiste à un renversement de la tendance. Tous utilisent les mêmes méthodes seigneuriales : liens vassaliques, encadrement des paysans. Mais certains seigneurs ont des capacités politiques, économiques et militaires plus importantes : les princes.
A/ Le renforcement des principautés territoriales
Princes et roi vont combattre les
autonomies locales, en accumulant des droits et des redevances ; se faisant accroissant
leur contrôle direct sur les terres. Ils vont renforcer leur clientèle vassalique, avec
le développement des fiefs de reprise. Ils vont favoriser le contrôle d'une économie
d'échanges fondée sur l'argent ; ils vont donc protéger les foires (de Champagne).
Les simples seigneurs sont eux confrontés à deux problèmes : Leurs sujets,
paysans ou artisans, découvrent de nouveaux droits et limitent les taxations
(défrichements, coutumes, communes). Les revenus de ces seigneurs ne peuvent plus alors
augmenter et on assiste à une stagnation des ressources seigneuriales. En plus, on divise
la seigneurie entre les enfants ; on confie des fiefs aux chevaliers et ministériaux.
Les dépenses aussi ont tendance à augmenter, de par leur devoir de tenir
une cour et de redistribuer leurs gains, à se préparer pour les tournois. En plus, au
XIIe, les seigneurs sont appelés en croisades par trois fois.
L'évolution politique peut se résumer ainsi : les princes utilisent leur
force seigneuriale pour prendre l'ascendant sur les moyens seigneurs de leur zone
d'influence : ils ont plus de vassaux, plus de chevaliers et de ressources économiques.
La qualité du pouvoir reste la même, un pouvoir seigneurial, mais en quantité, la part
des princes et du roi s'agrandit.
Cela va amener à une pression toujours accrue des princes sur les seigneurs qui débouche
sur des accords féodaux avec le développement des fiefs de reprise.
Le dernier mouvement montre que cette nouvelle configuration politique
représentée par la mise en place de liens féodaux hiérarchisés et légitimés par le
développement du droit féodal et coutumier.
Cette évolution veut montrer qu'au cours du XIIe, les liens
féodaux ont tendance à être de plus en plus territoriaux mettant l'accent sur le fief
plus que sur l'hommage. Partout, on assiste à une concentration du pouvoir politique
régionale dans les mains du prince. Ainsi on commence à dire que certains châteaux de
seigneurs sont "jurables et rendables" : le prince a le droit d'y résider en
écartant le vassal.
Les princes prennent sous leur protection les marchands (foires de champagne
: Troyes, Bar, Provins).
Si l'ensemble de l'espace français apparaît comme une mosaïque de
principautés, deux s'en dégagent : celle des Plantagenêts, et la principauté royale ;
l'une par sa quantité, l'autre par sa qualité.
B/ Entre France et Angleterre, l'essor des Plantagenêts.
Les prémisses de cet essor
commencent en Normandie au XIe. En 1066, le duc de Normandie Guillaume, débarque en Angleterre, gagne la bataille de Hastings et s'empare du royaume
tout en demeurant duc de Normandie, donc vassal du roi de France.
Ce nouveau
pouvoir royal anglais dégage très vite des caractéristiques bien marquées : il
instaure un pouvoir royal fort s'appuyant sur un entourage de chevaliers normands. Il
trouve ses bases sur le contrôle d'un large domaine royal (1/5 du royaume) et de liens
féodaux hiérarchisés : tous les seigneurs anglais doivent hommage pour leur fief. Le domesday book montre le début d'une
administration centrale (l'échiquier), et territoriale par le moyen des shérifs.
Fin
XIe, le roi
d'Angleterre est plus puissant que le roi de France.
Au XIIe, va s'ajouter un renforcement du pouvoir
français. Après quelques flottements de la dynastie de Guillaume, en 1106,
un petit-fils Henri I
réunifie Normandie et Angleterre. A sa mort en 1135, on voit apparaître un
nouvel élément qui renforcera la présence des rois anglais sur la Francie Occidentale.
Henri I n'ayant pas de fils, c'est un cousin, Etienne, qui est choisit pour successeur. Sa fille Mathilde se marie au comte d'Anjou Geoffroi.
Mais voici
que le roi de France, Louis VII,
va répudier son épouse Aliénor,
héritière de l'Aquitaine. Henri, fils de Geoffroi va épouser Aliénor, et en 1152,
Etienne roi d'Angleterre meurt et lègue le royaume à Henri. L'ensemble territorial alors
dominé par la couronne britannique est composé de l'Angleterre, l'Anjou, l'Aquitaine, la
Bretagne et la Normandie ! La puissance acquise est telle que certains historiens parle
d'empire angevin.
Mais
malgré cette quantité de terre, les Plantagenêts ne créent pas cet empire : l'histoire
politique des deux parties des terres est très différente ; la domination complète du
territoire anglais ne se mettra pas en place sur la façade occidentale.
C/ Les nouvelles assises du pouvoir capétien au XIIe.
C'est l'histoire de deux
longs règnes : Louis VI
(1108-1137) et Louis VII
(1137-1180). La dynastie est bien implantée et il n'y a pas de conflits internes. On peut
alors voir trois niveaux d'affermissement.
1) Niveau seigneurial
C'est l'accroissement du pouvoir des rois en tant
que seigneurs de ban. Par là, les rois augmentent leur pouvoir direct. Les progrès en
quantité de terres directement contrôlées par le roi sont limités dans la quantité
ainsi que dans la qualité. Le premier but à atteindre est le contrôle complet de l'Île-de-France, en luttant contre les
seigneurs de châteaux locaux.
La
géographie du monde capétien est minimale, mais la qualité de leur pouvoir se renforce.
2) Le niveau féodal
On peu parler d'une idéologie féodale. L'idée
qui se développe : le roi peut utiliser ses liens féodaux pour apparaître comme le
suzerain de tout le monde, ce qui sera le résultat final. Cette théorie doit beaucoup à
l'abbé Suger, abbé de
Saint-Denis. Ce sera l'un des conseillers les plus influents de Louis VI et même le régent de Louis VII.
Fin XIe, était une période où le roi contrôlait un
territoire limité et rappelait peu sa suprématie féodale sur les princes et comtes. En 1108,
les grands princes ne prêtent pas hommage à Louis VI. Puis on commence lentement à voir un renforcement de l'autorité
féodale : les seigneurs et princes vont prêter des "hommages en marches" pour,
non pas toute la principauté, mais des châteaux.
Le
véritable basculement se situe au milieu du XIIe
: l'hommage va se généraliser. La principauté va être
considérée comme un fief à part entière. On voit alors les prémisses d'une pyramide
féodale ; encore faut-il qu'elle soit univoque, et que le roi soit seigneur de tous.
En 1145, Suger précise que le roi ne prêtera aucun hommage : vu qu'il est roi, il peut
tenir un fief mais non pas prêter hommage (affaire du Vexin). A la fin du siècle, en 1192, l'entourage royal se heurte
à un autre problème, le don d'un fief. Le roi refuse car il veut anormal pour un roi le
fait de détenir un fief.
Résumé
: au début, la royauté renforce sa suprématie politique en assurant sa suprématie
féodale : tous les princes doivent l'hommage, puis le roi ne peut faire hommage à
personne, finalement, détenant l'autorité féodale la plus importante il ne peut
détenir aucun fief.
3) Niveau politico-religieux
Le roi table également sur son prestige. On
véhicule l'idée du roi comme défenseur suprême du territoire et de L'Eglise.
1119 : Louis VI prend Cluny
sous sa protection (Cluny se trouve en principauté de Bourgogne)
1124
: Louis VI marche avec des princes en campagne contre l'empereur pour défendre Reims (importance territoriale nouvelle du
roi)
1127
: A la mort du comte de Flandre,
il intervient, sans succès mais il intervient, dans le choix du successeur. Prédication
de la IIe croisade : le roi part en croisade.
1177 : Le comte de Toulouse, dans le midi, fait appel au roi pour envoyer une mission contre les
cathares.
II] Les rois de France : De Philippe Auguste à Saint Louis
En 1204 : Philippe Auguste s'intitule "Roi de
France". C'est l'affirmation de la domination du roi sur un territoire. A partir de
ce moment là, ce territoire peut se diviser en deux : le domaine royal direct (ensemble
des territoires où le roi agit comme un seigneur, en percevant des droits et des
revenus), et la mouvance où les
territoires sont tenus féodalement par le roi mais quotidiennement contrôlés par
d'autres seigneurs. Cette distinction recèle l'idée que chaque fief se meut à
l'intérieur d'un autre fief, etc.
Malgré
cette distinction, au XIIIe siècle
le pouvoir royal s'accroît. Les rois vont développer leur domaine pour acquérir des
terres en les achetant, par des stratégies parentales, la force militaire et les liens
féodaux.
Au XIIIe siècle, le roi finit par se considérer comme suzerain
de tous.
A/ Le moment Philippe Auguste (1180-1223)
1) Le renforcement
Indiscutablement, au cours des premières
décennies, Philippe Auguste renforce son pouvoir en ses territoires et entre en compétition avec les
Angevins : Richard Lion Hearted.
1190
: on remarque la volonté du roi de rationaliser les organes de gouvernement du royaume :
gouvernement central mais aussi administration territoriale avec des agents royaux
officiers du roi : les baillis.
Philippe
Auguste utilise systématiquement les liens féodaux pour
effectuer cette restructuration. D'abord il insiste sur l'idée de suprématie féodale
sur l'ensemble des vassaux qu'il veut tous immédiats : les
barons.
2) Politique d'expansion
Notamment par la confiscation des terres tenues en
fief par les Plantagenêts sur la France. En 1204, il conquiert la Normandie
; bataille de Bouvines en
1214. Ces batailles sonnent le glas de l'autonomie politique des
Plantagenêts en France et on dévoile un roi de France puissant avec des répercussions
internationales : victoire de Frédéric II en Prusse ; en Angleterre, la Magna Carta.
En France, elle représente la naissance de la nation.
B/ Les spécificités du midi languedocien
Le roi n'est jamais entré
directement dans le midi ; les forces en présences sont locales : seigneurs et
châtelains. C'est donc un cadre politique morcelé, doté d'un réseau urbain beaucoup
plus dense, de régions de coutumes propres, attachées au droit romain et écrit, enfin
une langue propre : la lange d'oc.
Malgré
tout, on retrouve quelques traits d'unité chez les élites : les idéaux chevaleresques
et nobiliaires, une suprématie théorique de la royauté.
Au
XIIIe siècle, cela
change. La concurrence catholique / cathares n'est pas achevée. Quand P.Castelnau, légat pontifical, est
assassiné, cela va amener à la première croisade interne au royaume : la croisade albigeoise.
Louis VIII, en 1224, fait donc une croisade-promenade. Il en profite
pour établir le traité de Meaux.
Le Bas Languedoc entre ainsi directement dans le domaine royal. Et on prévoit le mariage
de la fille du comte de Toulouse avec le fils cadet du roi.
C/ Louis IX, le Saint
Texte établi à partir d'un cours de faculté en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 28/03/99