CHAP 7... La République radicale
L'affaire Dreyfus, un épisode marquant de la République. C'est aussi l'arrivée au pouvoir des radicaux.
Elle montre que des forces de transformation sous-jacentes peuvent resurgir,
qu'une affaire qui aurait pu ne pas éclater à pris une ampleur nationale, et que
l'affaire a un héritage.
1) Une affaire d'espionnage
C'est le monde de l'espionnage. Il se trouve
que l'Allemagne a une ambassade et que la femme de ménage est agent secret et qu'elle a
l'habitude de faire les poubelles puis les fait passer au bureau des statistiques
commandé par Henry. Il y
en a un, le "bordereau" qui annonce l'envoi de
documents secrets sur des mouvements de couverture et des
modifications de l'artillerie. Et il prouverait que quelqu'un fait passer des documents.
On soupçonne alors l'Etat-major, seul à posséder une telle variété d'information. A
l'Etat-major, il y a des stagiaires à qui l'on préférerait voir porter le chapeau.
Parmi eux Alfred Dreyfus,
Alsacien et juif. il est convoqué au bureau des statistiques où on lui dicte le
bordereau en octobre 1894.
Dreyfus est
riche, il a hérité de 235 000 francs de son père, et sa femme lui a apporté un dote de
150 000 francs. Ils sont patriotes, n'ont pas besoin d'argent et il est un excellent
élève de l'école militaire. Les trois motifs principaux de trahison ne tiennent pas...
L'accusation repose donc sur la ressemblance d'écriture. On perquisitionne sans résultat chez lui, on fait appel à des
graphologues parmi lesquels on ne trouve pas l'unanimité.
En haut
lieu, on veut étouffer l'affaire et on projette d'envoyer Dreyfus en Tunisie.
Seulement,
il se trouve que Henry aime bien
la libre parole de Drumont, et
il lui envoie un billet expliquant sa vérité.
2) Une affaire publique
Drumont
titre : "inculpation d'un officier juif coupable de haute trahison".
Le 19 décembre 1894, Dreyfus est condamné à la dégradation
militaire et à l'exil. Un homme, seul, se dresse : Alfred Matthieu. Au même moment, le nouveau
chef des renseignements, Picquart,
reçoit un billet volé à l'ambassade d'Allemagne adressé à Esterhazy. C'est un joueur criblé de dette
et son écriture ressemble à celle du billet. Picquart demande la révision du procès. Chose refusée et on l'éloigne.
Dreyfus
s'est rapproché de Bernard Lézard. On publie un mémoire envoyé à tous les parlementaires. Et un petit
nombre "d'intellectuels" prennent parti pour Dreyfus : Charles Péguy, Anatole
France, Georges Clemenceau, Lucien Herr.
Ces gens de notoriété s'engagent ; l'affaire s'étale et fait l'objet de polémique. Esterhazy est suspecté, passe en conseil de
guerre en janvier 1798 ; il est acquitté. Picquart est arrêté et accusé de falsification de documents. Le rapport de
force est défavorable à Dreyfus.
3) Une affaire politique
C'est là
que Zola publie "J'accuse"
dans l'Aurore de Clémenceau. On vend à 300 000 exemplaires. Zola passe en procès et donne une tonalité politique au procès : la France
sera-t-elle celles des droits de l'Homme et de la justice ? . Il est condamné à un an de
prison et trois mille francs d'amende. C'est le maximum.
En 1898,
la majorité est contre Dreyfus ; il faudra toute l'énergie des intellectuels pour
renverser l'affaire.
Au bureau
des renseignements, on s'aperçoit que le seul document accusant Dreyfus a été falsifié
par Henry. Il avoue et l'opinion
se retourne. L'enjeu maintenant et la révision du procès :
- Gauche : La France est le pays des droits de
l'homme, il faut que la justice gagne.
- Droite : réviser le procès serait atteindre
à la justice et à l'armée.
Des
nationalistes vont même à faire un monument pour Henry qui réuni 130 000 francs de
souscripteur : Drumont, Charles Maurras...
A gauche,
on craint alors pour la république et on fonde à ce moment la ligue des droits de l'homme. les élections
de 1898 ont lieu dans ce contexte: 80 conservateurs, 20 nationalistes, / 254
modérés, 180 radicaux, 57 socialistes.
Deroulède, poète nationaliste
menace les institutions. Lors d'une manifestation, le président reçoit des coups de
cannes !. On crée alors un ministère de défense républicaine (présidé par Waldeck-Rousseau). Elle regroupe les radicaux
et une partie des modérés.
Dreyfus est
re-jugé en 1899 : il est reconnu coupable avec
circonstance atténuante. Le président Loubet graciera Dreyfus à la suite d'une
propagation nationale. Mais il reste coupable. S'en suit une loi d'amnistie sur les
dreyfusard et anti-dreyfusard. En 1906, la cour de cassation finit par
déclarer Dreyfus non-coupable.
Le clivage
droite/gauche est renouvelé. 1870 République / Monarchie ; 1900:
Dreyfusard / Anti-dreyfusards
1) les ministères Combes
et Rouvier
Il n'empêche que la gauche au pouvoir n'a
toujours pas résolu le problème social. Depuis Fourmies
il y a des grèves et elles se développent.
Le
ministère Waldeck-Rousseau
continue une politique républicaine : les partis se structurent, mais la question sociale
n'est pas résolue. Il y a une différence entre question politique et sociale ce qui
crée une distance entre le monde politique et la société.
Néanmoins,
la gauche s'est mobilisée sur les droits de l'homme et la laïcité. En 1902,
les élections sont gagnées par la gauche. Et l'essentiel de la politique est
l'approfondissement de la laïcité, en particulier sous le ministère Combes. La loi des associations de 1901,
est une arme contre les congrégations religieuses.
La France
est sous le régime du concordat, accord entre l'Etat et le pape. Et Combes, en tant que radical, veut la rupture
et donc l'incident avec le pape. En 1904 la chambre des députés vote la rupture des relations diplomatiques avec Rome. Il prépare à la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, ce qui est fait sous le ministère Rouvier.
La religion
devient une affaire privée et elle n'a rien à voir avec l'Etat. De façon stricte, elle
pose problème: l'Etat se considère comme propriétaire des biens d'Eglises mais en
donnent l'usage à l'Eglise. Ce qui veut dire que toute organisation religieuse devra
être formée sous la forme d'une association loi 1901.
Cela
entraîne la querelle des inventaires : ils doivent faire la liste de tout ce que
possédait l'Eglise. Il y aura un mort.
2) Le gouvernement Clemenceau
Après Rouvier, vient Clemenceau en 1906, les grèves sont importantes : 1 000 1 200
grèves par an. Il va devoir faire appliquer la politique laïque et maintenir l'ordre.
Clemenceau va se proclamer le "premier flic de France".
Il va constituer un grand ministère. Il
conserve le ministre de l'intérieur, donne le ministère des cultes et de l'instruction
à Briand, crée le ministère du
travail pour Viviani socialiste.
Symboliquement il met Picquart
à la guerre et Caillaux aux
finances. Caillaux est partisan de l'impôt sur le revenu, programme des radicaux.
Le Grand
ministère doit trancher la question ouvrière, la question de l'impôt. La conjoncture a
changé. On n'est plus dans la Grande Dépression, mais dans une phase A du cycle
Kondratieff. On est en plein dans la révolution industrielle, avec des usines qui
utilisent l'électricité avec des secteurs pilotes ou la France se place très bien :
automobile, aviation, cinéma. Le climat social a changé. On comprend qu'on soit dans une période maximum de grèves.
En 1906
: c'est la grève générale, le gouvernement doit y faire face. Clemenceau a conscience qu'il doit affronter
la question sociale. C'est pour cela qu'il a choisi Caillaux, signe que Clemenceau se réclame du solidarisme qui prévoit la
réorganisation de la société en faisant intervenir l'Etat
dans les liens sociaux. Et donc l'impôt sur le revenu qui
permet de faire des dépenses sociales.
Les
anarchistes ont créé la C.G.T
en 1895 avec l'idée de faire tomber le capitalisme par la grève
générale. Le 10 mars 1906, un énorme coup de grisou dans la mine de Courrières : 1 200 morts. La grève
générale est programmée pour le 1er mai 1906.
A Paris, il
y a une panique chez les possédants. La grève sera décevante pour la C.G.T. De l'autre
côté, la police fait l'apprentissage des manifestations : on réfléchit sur un maintien
de l'ordre dans le calme. On tend vers une pacification de la violence, vers le cortège.
Les
rapports sociaux tendent à s'éloigner de la violence. Clemenceau fait preuve d'autorité en évitant que le sang coule. Il y a une
certaine volonté de résoudre la question sociale.
3) La montée du socialisme
Se crée
une nouvelle extrême gauche avec le socialisme.
En 1906,
la C.G.T adopte la charte d'Amiens. Il y a plusieurs dimensions
chronologiques :
Les
événements politiques sont de surface. Ils n'ont pas toujours l'importance qu'on leur
accorde sur le moment. Après le désastre de Courrières, et l'échec du 1er mai, Jules Guesde incite la C.G.T à s'intéresser systématiquement à la politique. Ce
qui est en cause, c'est la liaison entre le syndicalisme et la vie politique. C'est le schéma social démocrate.
En France,
cette motion de Jules Guesde
sera repoussée. La C.G.T refuse la liaison avec le socialisme. Le résultat: il n'y aura
pas en France de liaison entre un grand syndicat et un grand parti.
Globalement,
l'Europe du nord est construite sur le modèle social-démocrate (Suède, Norvège,
Allemagne). Au sud, c'est le schéma de la charte d'Amiens. Le syndicalisme y est divisé et minoritaire.
La C.G.T aura au maximum un million de
syndiqués. Le modèle revendicatif de la grève s'impose. Dès 1906, d'autres
classes vont employer ces mêmes méthodes : 1907, mouvement des
viticulteurs du Languedoc (500
000 manifestants).
Le monde
agricole a été ménagé. Ors le secteur viticole fait exception. Le Languedoc n'est pas
une région viticole avant le développement du chemin de fer. Cultivée en monoculture,
la vigne fait l'objet du phylloxera, et il faut reconstituer ce vignoble avec des plants américains. Sa
production ne cesse d'augmenter, menant vers une surproduction. La crise prend jour vers
les années 1900. Le mouvement choisi les moyens du monde ouvrier : grève de l'impôt,
manifestations etc... On envoie l'armée qui passe du côté des manifestations.
Clemenceau invite Marcelin Albert à discuter et lui glisse 100 Fr. pour payer son train de retour.
Marcelin Albert est alors discrédité et le mouvement se meurt.
C'est l'ère des masses, actrices de la vie
politiques et sociales. Un phénomène à relier aux masses autour des expositions
universelles, et des loisirs. C'est un cadre nouveau : la grande ville avec les grands
boulevards Haussmanien.
Les fonctionnaires, peu nombreux, privilégiés deviennent plus nombreux. Ils sont aux
ordres de l'Etat et n'ont pas le droit de grève. Ors sous Clemenceau, les fonctionnaires lancent les premières grèves. Se développent des
grèves, syndicats chez les postiers et les instituteurs aussi.
Voilà des
signes de la transformation sociale. Le mot d'ordre de Gambetta : "le cléricalisme voilà l'ennemi" qui a créé
une majorité autour de la République est dépassée. Ce qui pose problème est le
phénomène social.
Il y a dans le monde politique des
débats sur la laïcité, alors que dans la rue, dans les campagnes, d'autres phénomènes
émergent.
On voit donc une division de l'extrême
gauche : les radicaux restent à la question de l'anticléricalisme, les socialistes sur
la question sociale.
Clemenceau perd, Aristide Briand monte. C'est un socialiste indépendant, avocat des ouvriers. Il pense
que la République est le régime de tous, mais en même temps il est pour l'ordre. Il
veut supprimer les affrontements entre les classes sociales, favoriser la révolution
participative. Autour de lui des gens innovateurs.
En 1910,
grève des cheminots. Son cheval de bataille est la
négociation, alors on réfléchit beaucoup... Son ministère
sera très court.
Avec
l'arrivée de Raymond Poincaré
en 1912, ces questions se placent en second ordre, avec la montée de la
tension nationale.
Poincaré écoute avec attention ce que disent les russes. Il veut raffermir l'alliance franco-russe. Il est
impressionné par le rouleau compresseur russe.
Il renforce
l'armée, les alliances avec l'étranger. Ces dépenses se font sur le dos des dépenses
sociales. Ors les russes prêtent une oreille attentive aux Balkans et à leur allié
privilégié : la Serbie. Et la solidité de l'alliance russe entraîne Poincaré avec la
belliqueuse Serbie.
Poincaré se fait élire président de la République avec les voix de la droite !
Autour de Poincaré on fait voter la loi des trois ans le 7 août 1913.
Pourquoi ? La France est moins peuplée que l'Allemagne. L'Etat-major pense que la guerre sera très courte est marquée par la mobilité. Il faut donc des
soldats entraînés et une armée dotée d'un arsenal léger : le canon de 75mm. On
rejette l'artillerie lourde.
La loi des
trois ans polarise et est l'enjeu des élections d'avril 74. La gauche,
adversaire, l'emportent. Le 15 juillet 1914, on vote l'impôt sur le revenu.
La tension
monte, surtout après les guerres balkaniques ou la Serbie est soutenue par la Russie
soutenue par la France. La fermeté va mener le monde à la première guerre mondiale. Une
partie de l'opinion est sensible à ces questions de nationalisme. On mène une politique
de fermeté qui fait jouer les alliances.
Pourquoi
les français ont accepté de partir à la guerre ? On sait que la révolution française
donne un héritage patriotique porté par la gauche. Cependant, avec l'affaire Boulanger puis Dreyfus,
est né un nationalisme de droite. Donc le patriotisme est
facteur commun de la population française. Avec un héritage
politique : il est évident que la France est le pays des droits de l'homme. Si la France
se bat, c'est pour la démocratie. Pour les non démocrates, c'est la France qu'on
défend.
On ne
trouvera donc que de petites minorités pour s'opposer à la guerre. De plus l'école
diffuse un enseignement patriotique à longueur de semaine, c'était un programme inclut dans l'histoire, la
géographie, la gymnastique.
L'atmosphère
est au patriotisme. La C.G.T a
déclaré la grève internationale contre la guerre, Jean
Jaurès s'en est fait le porte-parole autour d'un groupe
formé par Gustave Hervé. Le 31
juillet 1914, Jean Jaurès est assassiné.
La C.G.T va
appeler à défendre les valeurs de la République et de la civilisation.
La
mobilisation a lieu, le pays part résigné pour faire son devoir.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Merci au professeur
Mise à jour du : 23/03/99