CHAP 8... La République, la guerre et la gestion de la victoire (1914-1929)
La république doit
répondre à la question du choc, et elle tient le choc de la guerre, ce qui n'avait pas
été le cas des gouvernements de Napoléon I et Napoléon III.
Cette victoire est paradoxale : la France est vaincue démographiquement et
économiquement. La France ne veut plus entendre parler de guerre.
Egalement,
deux choses changent : l'économie est devenue un thème politique de première importance avec les questions internationales. Ex:
Un gouvernement qui gère bien les affaires a peu de chance d'être balayé.
On vient de
vivre un conflit mondial terrible : tout le monde est concerné par les faits
internationaux : la révolution russe avec le communisme, l'attitude vis à vis de
l'Allemagne. C'est la nationalisation de l'extérieur.
La France
après la guerre est dans le mythe du retour à la normale. La guerre est au cur de la vie politique, avec en même temps une
modernisation de la société.
La guerre est acceptée non pas dans l'enthousiasme, mais avec le sentiment
du devoir. Ceci s'appuie sur une enquête d'opinion en 1915 du recteur de
l'académie de Grenoble.
Pour 52% des communes de Haute-Savoie : la guerre est une mauvaise nouvelle et il n'y a
pas d'enthousiasme. Pour 14%, la mobilisation est saluée avec ardeur. On relève une
affiche socialiste à Annecy et
un homme crie "Vive la guerre" à St Gervais.
L'armée
est globalement bien préparée, si ce n'est une conception de la guerre dépassée :
pantalon rouge, pas de casque, problème d'artillerie lourde.
1) La politique de l'improvisation
Le pays
envahit, la guerre dure, les soldats s'enterrent et il faut faire
face dans l'improvisation : il n'y a pas de trésor de
guerre. Le Nord industriel est envahit et il faut improviser un style de guerre et
d'économie. Et pour cela, il faut faire appel à une main d'uvre. Les gouvernements
doivent faire face à une situation inédite. Du point de vue économique et sociale, la guerre est un formidable laboratoire.
On
systématise la main d'uvre féminine et l'immigration. On emprunte avant de venir à des techniques anti-libérales. L'Etat
prend en charge l'organisation de la production. Cette action est remarquablement efficace
en particulier avec Albert Thomas,
conseiller de Briand qui pense
que l'on peut demander des sacrifices mais qu'il faut rationaliser la production et
accorder de formidables novations sociales.
Jusqu'en 1917,
il n'y a pas de problèmes. Deux exemples régionaux : l'usine de Chedde est développée, fabrique des
explosifs et gaz asphyxiants. Cluses profite de la guerre pour se reconvertir étonnement au décolletage:
fusée d'obus. D'août 1914 à janvier 1917, la ville
accueille 2 383 suisses et 2 047 italiens !
Néanmoins,
cela se paye en inflation. Pour exemple en Savoie (1910 = indice 100)
1915: 125 1916 : 205 1917 : 247 1918 : 477
C'est aussi la pénétration d'une économie
monétaire : la guerre supprime beaucoup de revenus et l'Etat
doit fournir des pensions. C'est la fin de l'autoproduction, même dans les campagnes les plus reculées.
2) Mobilisation totale et Union Sacrée
La
mobilisation est morale et culturelle. Les discours sont épurés, la presse censurée.
C'est le "bourrage de crâne".
Tous les
partis sont représentés au gouvernement, et malgré les circonstances, la vie
parlementaire se poursuit. Le parlement impose sa volonté à
l'Etat-major. C'est le gouvernement qui choisi le chef
d'Etat-major : Joffre, Nivelle, Pétain, Foch. Dans ce
gouvernement, les socialistes sont bien représentés. Les présidents du conseil : Viviani puis Aristide
Briand, sont des socialistes indépendants. Le poste de
l'armement, décisif en ces circonstances, est confié à Albert
Thomas.
On voit des
changements politiques et sociaux, qui correspondent à l'entrée des socialistes au
pouvoir. Se prépare la réinsertion de la droite dans la vie politique aussi. Il est significatif de voir Pétain chef d'Etat-major : il est catholique
pratiquant et a été anti-dreyfusards.
3) 1917 : Quelles mutineries ?
De l'autre
côté, il existe des fraternisations entre allemands et français. Dans les tranchées,
il existe des connivences. Les soldats apprennent à limiter
les affrontements. C'est pourquoi il y a eut répression de
mouvements dit de mutineries.
Elles ont
lieu dans les années 1917, année de la révolution Russe : soit on tient comme on peut
alors que les russes flanchent en attendant les américains qui n'ont pas encore d'armée
ou bien on tente de percer le front allemand avant que le front russe soit détruit.
Nivelle organise des offensives : les Chemins des Dames, boucherie inutile. Ce
sont des échecs du côté moral
avec des régiments qui refusent de monter au front. Il est difficile d'en évaluer
l'importance. On recense 3 527 condamnations. Mais il faut nuancer : 554 condamnés à
mort et 49 exécutions...
Les
mutineries sont exaltées par les révolutionnaires et les bolcheviques qui les
présentent comme des actes antimilitaristes.
Il y a par contre des grèves ouvrières qui sont le fait des femmes revendiquant leur
salaire.
Clemenceau est nommé président du conseil, il fait arrêter Caillaux, partisan de la paix, la censure est
forte et il impose Foch.
L'année 1918 voit des grèves d'hommes, d'ouvrier spécialisé, contre la guerre. On se
met en grève quand ça va bien du côté français, on les arrête quand les allemands
avancent. Ce ne sont pas des grèves pacifistes.
La
République résiste à tous les points de vues.
Il faut rattacher les faits à des lignes directrices de synthèse.
On pense également que l'on pourrait "retourner
à la normale".
La guerre a un
impact économique considérable : le taylorisme s'impose en France à l'occasion de la première Guerre Mondiale : la
main d'uvre travaillant était considérée comme mobilisée. Les cadres
économiques changent profondément.
Le développement
de l'inflation inconnue jusqu'alors.
On comprendra
l'importance des thèmes internationaux, en particulier avec l'Allemagne pour la France.
Au travers
de ce mythe de retour à la normale, devenaient thème politique la gestion économique et
les questions internationales. Des enjeux perçus comme secondaires deviennent
prioritaires. Ors de façon contradictoire, ceci est inséré dans la perspective du
retour à la normale. On va ainsi rencontrer des paradoxes.
1) La situation de la France.
Incontestablement,
elle est vainqueur du point de vue militaire. L'Allemagne est limitée, l'Autriche-Hongrie
est éclatée. Il y a une victoire apparente des démocraties et l'obtention de
réparations.
a. Une crise démographique
Cependant, le
bilan est de 1,3 millions de morts et plus de 400 000 mutilés. Les pertes allemandes sont
comparables, mais le pays n'est pas en stagnation démographique. Les pertes françaises
sont graves d'un point de vue démographique. Cette saignée se répercute en déficit des naissances avec les classes
creuses des pyramides des âges.
Des
régions entières sont ravagées par la guerre comme le Nord avec au point de vue
national un grave endettement financier. Du point de vue des forces vives, la France est amputée par la guerre.
b. Une crise morale
Se déchaîne
en parallèle une crise morale : comment en est-on arrivé
là dans un monde de progrès ? L'après-guerre est à
comprendre autour de cette question. Les années 1920 commencent avec l'horreur. Surgit
alors un surinvestissement dans l'espoir révolutionnaire : le bolchevisme (attribution des malheurs au capitalisme), et investissement dans l'horreur pour les
fascistes.
La crise
morale est extrêmement grave : la guerre sera la "der des ders".
Des doctrines pacifistes vont se développer.
c. Une crise sociale
La crise sociale : l'inflation
bouleverse l'équilibre. Les rentiers, partie importante, de
la population française, vont disparaître. L'inflation pousse à la protestation sociale
: les salariés plus nombreux auront tendance à user sans modération de la grève. Très
vite, le 23 avril 1919, le gouvernement fait voter précipitamment la loi des 8 heures.
La grande
question : les rapports avec l'Allemagne. Clemenceau mène une politique ferme : l'affaiblir durablement à l'Ouest comme à
l'Est. Mais la France risque d'être trop puissante pour la Grande-Bretagne. La fermeté devient un enjeu politique. Le traité de Versailles consacre cet
affaiblissement. le 14 juillet 1919, on organise le défilé de la victoire.
Clemenceau proclame : "si
j'avais le souci de la gloire, je mourrais maintenant".
2) La fin de l'Union
Sacrée
Clemenceau domine, sa politique de fermeté envers l'Allemagne et le bolchevisme
aussi.
Novembre
1919 : les élections législatives. Le temps de l'Union-Sacrée des socialistes
et des catholiques avec la réinsertion de la droite est révolu. En 1919, c'est la
victoire d'une coalition : le bloc national. Les radicaux sont divisés,
certains sur le bloc national, d'autres avec la gauche traditionnelle.
Les
radicaux, parti de gouvernement se fracturent. C'est une nouvelle période de
recomposition politique. Edouard Hérriot explique la défaite de son parti : "nous souffrons du
succès-même de nos idées". Le parti radical a accompagné le suffrage
universel, accompli la laïcité, fait voter l'impôt sur le revenu et le service
militaire pour tous. C'est comme si la mission du parti radical
était terminée. Il va passer au centre.
Cette
situation tendue débouche sur des grèves 1920. En particulier la grande grève des
cheminots avec répression féroce, des milliers de licenciements. C'est la dernière
grève du syndicalisme révolutionnaire à la mode ancienne.
3) Le renouveau politique
Le centre
et la droite sont au pouvoir. La gauche doit se refondre complètement. Elle doit se
prononcer autour de la révolution russe. C'est autour du soutien avec le parti communiste
russe qu'elle se recompose. Avec l'échec électoral de novembre 1919,
l'échec de la voie de la grève générale, il ne reste plus qu'une
troisième voie : l'internationale représentée par la
révolution russe. Au congrès de Tours (déc-janv 1920), les socialistes choisissent d'adhérer à
la IIIe Internationale. Léon Blum est un des seuls à comprendre que
s'adhérer à l'Internationale c'est s'aligner sur Moscou. Le parti socialiste devient majoritairement communiste, il ne restera
qu'un tout petit parti socialiste.
La question
du parti communiste devient vite centrale car elle est un argument de la droite. jusque
là diffuse, la peur sociale est matérialisée par l'Union
Soviétique. Tout cela réintroduit la droite au
gouvernement.
Le
concordat est maintenu en Alsace-Lorraine, c'est un changement d'ambiance. Résultat Clemenceau ne sera pas élu, le président sera Paul
Deschamel.
La question
de l'anticléricalisme, autrefois clivage politique, est terminée dans cette nouvelle
période. Maintenant c'est sur l'anticommuniste que s'engage la vie politique. Aussi: " l'Allemagne voici l'ennemi ". Un grand virage
politique à lieu : La gauche radicale et sociale joue la carte modératrice, ce qui fait
perdre de l'électorat. Le patriotisme, valeur de gauche passe de l'autre côté. La
gauche est divisée et en remembrement : radical, socialiste, communiste.
1) Le problème des
réparations
En France, on demande le maximum, mais
l'Angleterre a peur d'une France trop puissante. Par la voie de l'économiste Keynes, ils ont peur que l'affaiblissement
économique de l'Allemagne ne débouche sur la désorganisation
du commerce international. Les négociations traînent. Le
gouvernement allemand récupère une marge de manuvre entre ces divergences : il joue la carte de l'affaiblissement et le mark
en fait les frais, il fait office de thermomètre.
Mais le
bloc national veut faire " payer le boche ". Il faut relever le pays,
payer des pensions. On pratique délibérément le déficit : l'Allemagne payera. Mais
l'Allemagne pousse l'affaiblissement du mark : janvier 1 dollar 7 260 marks. Clemenceau occupe la Ruhr. La population
allemande réponds par la résistance passive, refusant de collaborer. 1923:
1dollar=23 millions de mark.
Le parti
communiste est le seul à protester contre cette politique. Il est de plus en plus
marginalisé. C'est l'échec de la politique de force.
2) Les élections de 1924
Aux
élections de 1924, la gauche l'emporte dans le cadre du cartel
des gauches qui unit radicaux et socialistes sans les
communistes qui constituent une extrême gauche à l'écart de la vie parlementaire. Mais
les socialistes déclarent ne pas participer au gouvernement tout en le soutenant.
Les
programmes du cartel sont annonciateurs d'avancée sociale. Il se place clairement anticlérical : il impose la séparation avec
l'Eglise en Alsace-Lorraine,
amnistie des grèves de 1920, reconnaissait le droit syndical pour les fonctionnaires. De
même le Cartel annonce la réalisation des assurances sociales (qui deviennent en 1945 la
Sécu), de la révolution scolaire, de l'accès facilité à l'enseignement secondaire.
C'est un programme ambitieux, difficile à appliquer.
Mais il est porté par des symboles : le transfert des cendres de Jean Jaurès au panthéon mais on recul sur
la séparation avec l'Eglise en Alsace-Lorraine. Les catholiques réinsérés dans le gouvernement peuvent faire reculer
la proposition
En
politique extérieur, on va vers l'apaisement. L'américain Dawes règle provisoirement la question en poussant au débat international
dans le cadre de la S.D.N. le problème des réparations. La S.D.N. ouvre le dossier du
désarmement avec Aristide Briand.
Mais sous l'opposition du Sénat et des milieux financiers, le Cartel est mis en minorité
en 1925.
3) Le renversement de majorité
On voit
monter de nouveaux mouvements : les jeunesses patriotes de Pierre
Taittinger qui développe une ligue d'extrême droite se
rapprochant du fascisme avec le culte du chef. Elle suit la peur française d'une
révolution. Naissance également d'un antiparlementarisme qui resurgit dans les années 1920.
Poincaré domine la politique et s'attache au rétablissement de l'économie
française en relevant le franc, 20% du franc de 1914. Le problème monétaire est
une question politique désormais. Il apparaît dans la petite et moyenne bourgeoisie
comme l'homme providentiel.
La fin des
années 1920, c'est l'entrée dans la modernité
La
croissance est forte de 5% dans les années 1920. Les secteurs de la IIe Révolution Industrielle se développe comme la métallurgie. Mais
les secteurs moteurs explosent : la production de caoutchouc (1921 : 230 1929
: 861 ). Le développement est considérable pour ces industries de pointe.
L'arrivé de Lindbergh à Paris est
commentée à la radio. Il arrive à 22:19 et les gens sont dans la rue alors qu'on dort
à cette heure. Il y a donc une vraie fièvre de la modernité. Le rassemblement à lieu
grâce à des moyens médiatiques nouveau et apparaît le phénomène collectif de la
foule.
Il y a deux
France suivant la ligne Le Havre
/ Marseille. Au sud-ouest, la
France archaïque, de l'autre, la France moderne. Le parti radical, pivot de l'échiquier
bascule alternativement à droite et à gauche, mais son influence reste importante.
Les années
1920 se terminent dans une atmosphère différente de la fin de la guerre.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Merci au professeur
Mise à jour du : 23/03/99