CHAP 2... Le monde des campagnes
Très longtemps, la France a été un vieux pays rural ; il faut se souvenir du basculement de 1930 : 50% de ruraux et 50% d'urbains. On ne peut véritablement pas parler d'exode rural avant 1950, le moteur étant la construction de l'Europe. Auparavant, on est dans un pays qui sent ses racines rurales. C'est donc l'évolution des campagnes qui est explicative de celle du politique.
On pourrait considérer que la société rurale est un ensemble local
chapoté par un personnage qui assure la liaison avec la société englobante. Le notable
assure les rapports avec l'extérieur. Il reçoit le journal (à l'époque il est cher),
il connaît le personnel politique, il connaît les rouages de l'administration. Quand un
paysan a des problèmes, c'est à lui qu'il s'adresse. Et ce notable s'appuie sur un
propriété terrienne bien assise. Il a des racines profondes, une grande propriété, de
quoi assurer sa distinction (il n'est pas habillé pareil). Pendant les monarchies
censitaires il a le droit de vote, et ses terres lui permettent de donner du travail aux
pauvres de la collectivité locale. C'est donc une puissance symbolique et matérielle
considérable. La clé de sa puissance reste la terre. Ce schéma est valable pour la
première partie du XIXe siècle.
Avec la République, le problème se pose de l'établissement de la celle-ci.
Car avec l'existence de ce schéma, le suffrage universel est un mythe. Et peut importe
qu'il soit noble ou bourgeois, ce qui compte est son assise terrienne.
Effectivement, on n'est pas dans une société d'ordre, ni de classe, c'est
un peu entre les deux. Suivant ce modèle là, on est dans la société des notables, de
la terre et de la famille, d'où l'importance des mariages arrangés.
Là, c'est la terre qui domine la société, non comprise comme un capital de
richesse, mais comme du pouvoir. Les mariages ont permis une fusion entre une partie de la
noblesse et de la bourgeoisie. Alors, le conflit politique principal est entre les villes
et les campagnes conservatrice. En Avril 1848 : c'est la victoire des conservateurs. Puis
le suffrage universl est conservé. En 1871, là encore, les conservateurs ont la
majorité. En 1876-7, les républicains ont la majorité : il s'est passé des choses dans
la campagnes.
Jusqu'alors, des peurs pouvaient faire l'unité des notables. On n'est pas
loin de la révolution et des mouvements agraires de l'été 1789. C'est la période de la
Grande Peur. Puis il y a eut la terreur. Et ces peurs sont localisées dans la campagne et
tout d'abord les pauvres de la campagne. Il y a un certain nombre d'émeutes en
particulier pendant les mauvaises récoltes (1846-48).Et cette peur des paysans fait
l'unité.
Ors, le 2nd Empire met de l'ordre dans les campagnes et met fin
aux peurs rurales qui vont être remplacées par des peurs urbaines : la commune de 1871.
Donc les notables évoluent avec la stabilisation de la condition sociales à la campagne.
Le paupérisme disparaît de la campagne, et on voit s'opérer une transformation qui mine
le pouvoir des notables.
1) Un
ébranlement de la base du schéma : la propriété foncière
La Grande Dépression est l'élargissement des
marchés, c'est à dire la baisse des prix avec le développement des transports, des
techniques de navigation, le développement de l'économie de marché.
Ces phénomènes font baisser le rapport de la terre sous l'effet de la concurrence. Avec
ce mouvement de spécialisation, on recherche les meilleurs rendements et donc un choix
des terres : vignes=languedoc.
En plus, il y a un certain nombre de catastrophes et de maladies agricoles.
Ex : phylloxéra, maladie de la vigne.
Les notables les plus pauvres vont perdre leur position sociale et
s'appauvrir, les autres vont mettre l'argent ailleurs : banques, industries et immobilier.
Cause : la Grande Dépression.
La terre cesse d'être un placement recherché. On s'en aperçoit en
étudiant les successions, les mutations par décès. On peut chiffrer la fortune des
français. Adeline Daumart : à Paris, la part de la terre diminue entre 50% et 1/3 pour
le siècle. Ce qui augmente est la part des capitaux. Une bonne partie est dû à la
croissance de l'urbanisme
Il y a ainsi une diminution du nombre des rentiers. En 1871, sur 723
députés, il y a 104 rentiers ; en 1936, sur 636, il n'y en a plus que 24. Alors,
Gambetta avait raison : les notables ont perdu le pouvoir ce qui assure le triomphe de la
République ; les nouvelles couches ont gagnées.
2) Une
déstabilisation par le haut
Avec la République, le suffrage universel,
l'école, la presse et les transports, le rôle d'intermédiaire que jouait les notables
est sapé. Mais les choses sont lentes et non coordonnées.
C'est visible dans les campagnes avec la révolution des mairies. En 1880
sont élues des municipalités républicaines : des médecins, négociants, instituteurs,
artisans, petits chefs d'entreprise. On commence à voir des agriculteurs aisés. C'est à
dire qu'il se produit quelque chose d'important. Le notable est notable car né tel.
L'instituteur, le médecin, eux, remplissent une fonction. Cette différence vient de leur
rôle, de leur fonction et non de leur naissance. C'est cette fonction qui est couronnée.
C'est à dire que la société commence à se poser des questions. Il y a un
des premiers éléments de la culture républicaine. C'est la notion de service qui
s'impose : il peut avoir une certaine efficacité. Cela permet de maintenir les campagnes.
Les agriculteurs commencent à comprendre qu'ils sont une force de pression. Les paysans
utilisent alors le suffrage universel.
Il a fallut un certain apprentissage de la République. En 1882 : élection
municipale ; 1876-7 : élection législative. Derrière cela, il y a la fin de ce monde
des notables et le développement d'un autre monde.
Conséquence : il se crée un milieu politique. Auparavant,
il n'y avait pas d'hommes politiques, mais des notables qui jouaient un rôle politique.
Le milieu pour se reproduire à besoin de l'élection qui se traduit avec l'indemnité
parlementaire, décision républicaine qui permet le milieu politique. Il devient
important donc d'être élu.
Cette société a fracturé l'unité de l'influence du notable. Le pluralisme
est alors possible avec la naissance d'une opinion publique, la politisation des
campagnes. Les gens élus sont ceux qui ont accès à une clientèle. Mais il ne faut pas
détacher la situation politique de la condition sociale.
Dès la Grande dépression, des années 1773-1793, apparaissent des
transformations économiques qui se traduisent par des transformations sociales. En gros,
l'obligation de scolarisation entre dans les murs et des habitudes nouvelles
apparaît : le service militaire.
1) Une
transformation des identités
C'est le moment où disparaissent les veillés,
l'assistance à la messe au profit des cabarets et cafés. Un certain nombre de structures
économiques se transforment ou disparaissent. Les
pratiques communautaires s'affaiblissent et on assiste à une
montée de l'individualisme.
A l'autre
bout de la chaîne s'affirme l'appartenance à la communauté
nationale : développement des transports (chemin de fer), de
l'école (la morale, l'histoire, la géographie). Il y a une construction importante qui
joue sur les identités et les consciences.
Cela se
traduit par des expériences. Pour les hommes, le service militaire qui devient un rite
d'entrée dans l'âge adulte. Ces transformations sont vécues par tous.
La nation
s'impose dans les villages d'un point de vue architectural aussi : en face du cloché est
édifiée la mairie-école.
La république est visible par un bâtiment. Ceci ne put avoir lieu que par un processus
de laïcisation, séparation de l'état avec l'église.
Le
vêtement également change. Il y a une certaine consommation ; on fait son possible pour
s'habiller. Des populations pauvres se mettent des costumes qu'aujourd'hui on pense
traditionnel. Les coutumes sont menacées alors on commence à s'y intéresser. Certain
recueille les chansons anciennes ; on est en train de construire des identités régionales, réaction au
changement vers un espace national. Elles ne sont pas préexistantes. On invente alors le folklore : Alphonse
Daudet (les lettres de mon moulin)
2) Les transformations démographiques
Il y a un
certain exode rural, plus important qu'avant. Il n'y en a un de massif qu'a partir de
1950. Néanmoins, la Grande Dépression pousse aussi des gens à quitter les campagnes. Le
phénomène est complexe. Ce n'est pas seulement le pauvre qui s'arrache à la terre,
phénomène qui n'est pas nouveau. La Grande Dépression accentue les choses mais propose
aussi des opportunités : il existe un exode voulu vers la ville lumière, lieu de civilisation, de travail et de
modernisation. On abandonne la société un peu pesante de la campagne. La ville est un
lieu d'ascension sociale surtout.
L'exode
rural en France est modéré, moins qu'en Allemagne qui connaît une industrialisation de
masse.
L'affaiblissement
démographique vient de plusieurs choses :
Le ralentissement de la natalité. La France est originale par ses familles peu nombreuses pour pouvoir
conserver la propriété surtout quand elle est petite. Avoir de la terre, c'est avoir de
la sécurité.
Et les campagnes changent de visages. D'une campagne misérable en 1850, la campagne devient celle des
propriétaires.
La première guerre mondiale, avec une saignée des populations de la campagne.
Donc
diminution importante de la population avec des différences pour les compositions des
campagnes.
On pourrait
dire qu'on a trois types de campagnes :
Relativement
égalitaire avec des propriétés qui dominent. Surtout dans les régions de montagne,
Ouest et Sud.
Opposition entre
grands propriétaires et une masse de salariés agricoles. Bassin parisien céréalier.
Mixte avec de la
grande propriété et de la petite et moyenne.
En tout
cas, le bassin parisien se distingue par une mécanisation avec une agriculture moderne
qui se met en place.
3) Une évolution sur le long terme.
La terre a
tendance a voir son prix baisser. Il devient plus intéressant d'investir dans
l'immobilier et le mobilier des villes.
L'inflation
des années 1920 : à ce moment on allège la dette des paysans petits et
moyens. Ce qui va dans le sens du renforcement de la terre de
propriétaire. Du point de vue social, jusqu'en 1850,
une peur du vagabond dans la campagne avec des révoltes frumentaires. Mais à partir de
1850, avec les changements d'une paysannerie propriétaire ça change.
D'un point
de vue politique, on voit une adhésion massive des campagnes
en France. Dans un deuxième temps, les campagnes les plus
assises deviennent plus conservatrices. On assistera donc a un basculement du parti
radical ou suivre une évolution vers la droite, lié au caractère de propriété.
Cette
transformation se poursuit avec la crise de 1929 qui diminue le pouvoir
d'achat des paysans, et les campagnes ont tendance à se diriger vers la droite ou le
centre au moins.
L'évolution
des campagnes française n'est pas rapide, elle est lente et modérée. Il n'y a pas de
grands traumatismes sociaux à la différence de Angleterre et Allemagne. En France, l'évolution est modérée y compris par les
gouvernements qui ont tendance à amortir les évolutions. Au lieu de se lancer dans un
libéralisme, la IIIe République
modernise avec une certaine prudence, surtout à la campagne, d'autant plus qu'en France,
il y a le suffrage universel masculin. Jules méline, à la suite du libéralisme de Napoléon
III, impose des lois protectionnistes qui protègent le
niveau de vie des agriculteurs et entraîne une modernisation lente de la société
française.
D'où le
fait qu'il n'y ait pas eut de traumatisme graves et d'où l'attachement
à la patrie que la crise des années 30 ne saura renverser.
Ce qui frappe, c'est la longévité de la IIIe, non seulement pour des raisons politiques mais surtout par sa façon de
s'occuper des campagnes.
Il y a donc des replis des notables, une transformation de la société et un
recul de la population rurale. Ceci se traduit par un équilibre social plus net dans les
campagnes. Mais ça ne fait que reporter le problème vers la ville. Les campagnes
françaises ne sont pas structurées par des relations de classe sauf dans le bassin
parisien ; ailleurs il y a l'espoir d'acheter de la terre, de l'agrandir, de la
transmettre. Elles sont donc équilibrées du point de vue sociale.
C'est l'établissement d'une force de la campagne qui apprend à former un
groupe qui peut forcer le gouvernement à l'écouter.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Merci au professeur
Mise à jour du : 23/03/99