CHAP 1... L'économmie de marché s'impose
Cette économie n'est pas naturelle, elle n'est pas l'économie première, elle est une forme d'économie. A notre époque, en occident, on a tendance à assimiler économie et économie de marché.
1) Avant la Grande
Dépression
On assiste à une période de changement où on
passe dans une structure économique plus moderne, l'économie de marché était beaucoup
moins étendue et des rapports sociaux la remplaçaient : importance du troc des produits
et des services. Ces relations non marchandes qui ont lieu sous la forme du "don" étaient systématiques. La
moisson se fait en commun et il y a une sorte de comptabilité morale. Il y a toute une
part de l'économie qui ne passe pas par le marché mais par des relations de dons, échanges, troc. Et comme la France est
encore majoritairement rurale, ces modes se passent à la campagne. La ville sera le lieu
de la société de marché.
La quantité d'argent en circulation est aussi
limitée, ce qui réduit les échanges en argent. On a tendance à garder, thésauriser,
et dans ce monde la monnaie métallique est la plus importante : faiblesse de la monnaie
fiduciaire et scripturale auxquelles on fait peu confiance. La reconnaissance de dette
quant à elle est largement utilisée. L'endettement à une forme relationnel et
généralisé. On pratique aussi l'usure. Dans les campagnes on trouve une certaine haine
de l'usurier, plus que pour le capitalisme.
2) Avec la Grande Dépression (1873-1893)
Avec la
Grande Dépression se développent des moyens de
communications nouveaux et révolutionnaires : chemins de
fer, postes... Le territoire est unifié. La Grande Dépression est ce phénomène là, le
changement d'échelle. On passe du village à la nation voir plus.
En 1896,
c'est avènement de l'heure universelle et se répand le phénomène d'être à l'heure de l'horloger. La
conscience du temps est relative aux moyens techniques et à l'organisation sociale. Il y
a également développement d'objets nouveaux : catalogues de vente par correspondance. qui sont des signes
d'intégrations dans l'économie ?
Forcément, pour être intégré, il faut de l'argent. Et L'économie change. Ca se
traduit :
1913 à 23 milliards de Francs en
circulation.
1923
à 242 milliards de francs.
Les formes de la
monnaie ont changé : de plus en plus c'est de la monnaie
fiduciaire à laquelle on a confiance. 1939: billets à 54% de la masse monétaire ; chèque à 43% ; pièce
à 9%. En même temps on a une confiance exclusive dans l'or. Développement du
compte 1938: 800 000 comptes. Apparition du crédit agricole dans les campagnes
pour casser le monopole des usuriers locaux.
1914-18, il y a eut la guerre, moment important pour la
pénétration de l'argent dans les campagnes même les reculées : les plus pauvres ont de
l'argent sous forme de pensions.
On en
retient que la Grande Dépression est le développement d'une unification qui oblige à
parler le même langage monétaire.
1) Le marché des
"marchandises"
Il y a un long processus qui conduit à
l'instauration de la marchandise qui suppose une relation à l'argent. La révolution
Française a supprimé les douanes intérieures lançant le processus (sorte de libéralisme intérieur). Pourtant, les
villes ont encore autour d'elle la barrière d'octroi, agissant comme une douane, ce qui permet à la ville d'exister (remplace
l'impôt). La banlieue est ce
qui est de l'autre côté ; là on trouve les bals, les bars. Ce n'est pas le
libéralisme.
On pourrait
penser que le développement des transports a provoqué la fin du petit commerce et de
l'artisanat. Au contraire, on assiste à une augmentation des
commerces, mais certains disparaissent et d'autres
apparaissent. En même temps à lieu le développement du
grand magasin né sous le IIe Empire
mais qui se développe pendant et après la Grande Dépression. Là on y voit la
marchandise qui y est étalée et le prix étiqueté. C'est aussi la naissance d'une
nouvelle façon de consommer : l'article de mode avec la lingerie, le tissu.
Apparaissent
de nouveaux personnages : le courtier, le représentant
d'entreprise, le voyageur de
commerce. On se préoccupe dans une entreprise de vendre
maintenant ; avant elle produisait. Cette transformation est à mettre en relation avec le
développement de la réclame, et la France est un pays pionnier de la grande distribution
et de la publicité.
Il faut
articuler cela avec l'importance rurale ou la nourriture est production autosuffisante. Il
coexiste un monde de l'autosubsistance et du marché. Dans les campagnes, 50% de la consommation est achetée en 1875.
L'autoconsommation est le pain, on recherche donc la production de céréales, ce qui
suppose une grande diversité : seigle, sarrasin. Mais avec le chemin de fer s'impose la spécialisation : les céréales sont
produisent en grande quantité dans le bassin parisien tandis que la petite
céréaliculture tend à disparaître. Cette autoconsommation est lourde a assumer car
elle nécessite beaucoup de temps. Mais elle évite les crises. Avec la spécialisation on
entre dans les cycles : on vend mal alors on cesse.
L 'autosubsistance
est encore forte mais en recul. Le Languedoc se tourne vers la vigne. Et les sociétés
locales font tout pour se défendre contre l'emprise du marché. En cas de disette les populations empêchent la vente de blé de
l'extérieur. Entre le marché et les populations, il y a des affrontements sociaux.
Derrière cette conception, il y a une morale : tel produit ne doit pas coûter plus de
temps. Il faudra que l'économie de marché se batte pour s'imposer.
2) Le marché de la terre
Doit-elle
être soumise à la loi du marché ? A l'époque moderne, Levi a montré que le prix de la
terre variait suivant celui qui l'achète : quand on la vend, c'est parceque l'on n'a plus
de sous ; on la vend à la famille qui l'achètent chère. Il y a cette question dans le
développement de l'économie de marché. Longtemps, la communauté rurale à utilisée
des terres en commun : faire paître des troupeaux, ramasseur du bois... Il y avait une
certaine place pour les pauvres à la campagne. La mise en place du marché de la terre empêcherait une paysannerie
pauvre. Et c'est ce qui se passe depuis le IIe empire : les bases matérielles de leur existence sont coupées par es
développement du marché.
En même temps, le développement des
propriétaires s'accroît, il y a un mouvement d'accès à la
petite propriété agricole :
1826: 10 000 000 1854 : 13
000 000 1884 : 14 000 000
D'où
l'attachement des français à la propriété.
Ce marché
est actif, un certain nombre de paysan y accède tandis que les autres quittent la
campagne. Il y a eut élimination des non-propriétaires. Les troubles sociaux ont lieu à
la campagne au début du XIXe, dans la deuxième ils auront lieu à la ville.
3) Le marché des biens
culturels
La richesse culturelle est abstraite,
spirituelle et peut conférer de véritables positions sociales. On est en droit de parler
de capital culturel.
Effectivement, si on s'interroge aujourd'hui sui qui domine la société : ceux qui ont de
l'argent, mais aussi les journalistes et artistes, les intellectuels connus.
Ors, à la
fin du XIXe, se passe des
événements autour de la diffusion de la culture : l'école et la presse.
a. L'école
Principalement les lois Ferry de 1980-1982. L'école
est révolutionnée, car maintenant légalement obligatoire et surtout laïque : le savoir est séparé de la croyance. Un certain
statut est conféré à l'école.
L'école
connaît un mouvement important depuis le XVIIe, avec un processus d'alphabétisation de la réforme catholique. Et Jules Ferry donne une forme administrative et
obligatoire à ce processus. Il y a en 1877 environ 15% d'analphabète (les jeunes
sont alphabétisés, leurs grands-parents ne le sont pas).
Jules Ferry couronne l'esprit de l'époque dans un certain sens. Cette école est au
centre des préoccupations. Pour les milieux conservateurs, dont l'Eglise, elle est un
moyen de contrôler les classes populaires. Pour les républicains, elle est un moyen d'abaisser
l'influence de l'Eglise. Et pour nombre de milieu populaire,
elle est un moyen de progression sociale. Donc la question scolaire mobilise les gens.
b. La presse
Au début du
siècle, elle est chère, se diffuse par abonnement, peu se lire dans des cafés, des
cabinets de lecture, ou des cercles privés. Puis on assiste à une révolution de la
presse au milieu du siècle qui se poursuit et atteint son apogée dans les années 1900.
La presse locale est à l'échelle du canton ; ce n'est pas un quotidien, il paraît le
samedi.
Il y a donc
une vie culturelle dense ; c'est
l'âge d'or de la presse. Egalement, il y un rayonnement de la presse parisienne. Ceci est
permis car il y a une industrialisation de la presse : la rotative. Ce sont des hommes ambitieux qui ont pris le risque de
démocratiser le journal : casser le prix pour se rattraper sur le volume, avec la
réclame.
Cette
révolution de la presse ne peut s'appuyer que sur la scolarisation primaire de masse mais
aussi sur la politisation de la société à partir de 1848 : le suffrage universel
masculin. Petit à petit se fait un apprentissage de la république qui elle-même
s'appuie sur la presse.
Ceci va de
pair avec des phénomènes d'identités : la diffusion de la langue nationale : 25% des
français ne parle pas le français en 1850 et ailleurs il n'est pas la
langue domestique. Il y a ceux qui ont accès à l'administration et ceux qui en sont
empêché par la langue. Ce qui pose la question de la construction de la nation. La langue trouve ses institutions dans l'école et la presse.
Nous sommes
donc bien à l'époque de l'école, de la presse et de la république. L'idée
républicaine triomphe avec la IIIe même dans
les campagnes. La presse est au cur des débats politiques (l'affaire Dreyfus).
La presse
est aussi du social. Non seulement elle se diffuse dans les campagnes mais elle est le
support pour l'intégration de milieux marginaux.
4) Le marché du travail
Les
produits ont un prix et ceux-ci ont tendances à varier suivant l'offre et la demande,
tendance aussi pour les marchés culturels. On assiste à la même chose dans le domaine
du travail, mais avec plus de gravité.
La question
se pose avec la Grande Dépression et le progrès des transports qui aboutit sur un marché large du travail. Ors le pays est
armé juridiquement, encadré par deux grandes lois votées pendant la révolution.
a. Les lois Allarde et Le Chapelier
Elles
prévoient qu'il est interdit de s'associer dans le domaine du travail. L'entente sur les prix est interdite.
Conséquence: les corporations sont dissoutes, et de même, les syndicats sont interdits,
aussi bien du côté salarié que patronal. Nous sommes en pleins dans unes conception libérale.
A côté du
papier, la réalité : l'absence de transport au départ qui limite la portée des lois. Egalement, des fonctionnements
sociaux : la pratique des corporations ne disparaît pas. C'est à dire que les ouvriers
de métiers continuent à fonctionner sur le métier : le compagnonnage ne disparaît pas.
Les ouvriers d'un métier s'efforcent de maîtriser le marché du travail par des
pratiques souterraines : les mariages ont lieu à l'intérieur du métier ; c'est une
façon de maîtriser le marché du travail. Il y a des pratiques sociales qui font que le
marché du travail n'existe pas : dans certains secteurs, les ouvriers arrivent à
contrôler les embauches. Par conséquent, le libéralisme est d'abord une proclamation
théorique.
b. La société et le marché du travail
En France, il y
a beaucoup de petites entreprises
où les rapports ne sont pas uniquement de marché, avec une sociabilité ou le marché est un élément parmi d'autres. Aussi, il faut attendre 1930
pour que la population urbaine dépasse la population rurale. Nombre d'ouvriers sont en
même temps des ouvriers-paysans,
ce qu'on appelle des pluriactifs et, effectivement, on ne peut pas les comprendre en les
étudiant seulement sous leur aspect ouvrier. Les règles abstraites du marché ne
s'appliquent pas comme ça. Cette pluri-activité personnelle est accompagnée d'une
pluri-activité familiale. Il ne faut donc pas raisonner à l'échelle de l'individu mais
aussi de la famille. Un salaire peut être faible mais s'il peut conserver la terre il est
bon.
L'individu,
qui n'est pas seul, résiste donc au marché. Il a une famille et aussi des relations, y
compris quand il migre. On rencontre des gens du pays, il y a des
réseaux qui assurent l'insertion des migrants. Il faut
détruire l'image d'un exode rural massif et définitif. Les schémas migratoires sont
aussi des schémas par pays. On constate donc des différences : ceux qui migrent ont
l'idée de revenir au pays.
L'individu
n'est donc pas seul à l'embauche, avec le marchandage qui tend à disparaître : des équipes s'embauchent à prix de groupes.
Ceci ne veut pas dire que la migration isolée de misère n'existe pas. Mais après tout,
pour faire le voyage il faut de l'argent. Ce n'est donc pas les plus pauvres qui migrent.
Il faut
rajouter les migrations de métier : les compagnons qui font leur tour de France pour
rencontrer d'autres enseignements. Elles sont systématiques.
Néanmoins, la Grande Dépression va bouleverser tout cela avec des moyens
de transports nouveaux, des transformations démographiques et industrielles avec la
croissance de grandes usines. Cela fait naître de nouveaux courants migratoires en 1870,
qui va lancer l'immigration. En 1874 : 1 million d'étrangers ; en 1938
: 2,4 millions. C'est significatif du déficit démographique français et de
l'attachement à la terre, d'où l'appel à une main d'uvre étrangère.
Caractère nuancé : il y a modernisation, et l'avancé du marché. Mais
il y a permanence d'une sociabilité et des coutumes. C'est aussi le poids de
l'agriculture : une partie de la main d'uvre industrielle reste agricole. La petite
entreprise foisonne donc, ce qui donne une très grande souplesse à la société
française.
On
s'interroge souvent sur un retard de l'économie française. Mais cela lui permet de
s'adapter : si elle rate la Ière Révolution Industrielle, elle va rentrer en plein dans la IIème
R.I.
Démographiquement, elle est en avance, avec une faible croissance
démographique alors que l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre conservent des taux forts.
La France autrefois très peuplée, rentre dans une zone de basse pression au début de
1900.
En même temps, la France a une politique de centralisation affirmée par la
république, où on comprend le rôle joué par l'Etat et l'attachement à celle-ci.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Merci au professeur
Mise à jour du : 23/03/99