Apprendre les hiéroglyphes égyptiens
Dictionnaire des hiéroglyphes Ancien Egyptien
Hieroglyphs dictionay of Ancient Egyptian

CHAP 3... La crise de la société italienne au IIe siècle av. J-C

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   Dans le dernier tiers du IIe siècle, s'ouvre une période de crises successives. Elles ne cesseront qu'à la fin de la République avec le changement de régime. Sir Ronald Syme a écrit the roman revolution en 1939, traduit en français en 1967.             L'expression est peut être un peu abusive. Ces crises tiennent à des causes économiques qui ont des incidences sociales et politiques.
   Le sens du mot "crises" au pluriel doit être pris dans celui de mutations, de transformations profondes dont les guerres et les conquêtes qui en découlent sont responsables. D'où la difficulté d'exposer ces constantes évolutions.
Cette société en mutation à en face d'elle le problème de
l'ager publicus.

 

 

I] Caractères généraux de la société italienne

 

   Un trait fondamental à Rome et en Italie : Rome est dominée par une noblesse de propriétaires terriens, référence permanente.
   Cependant, de la fin de la Deuxième Guerre Punique, et surtout dans la première moitié du IIe siècle, se met en place un nouveau système social, plus diversifié. Il y a toujours la domination d'une aristocratie foncière, mais la stratification de la société s'écarte de la société romaine traditionnelle.

        
1) Les composantes
   Au sommet de la pyramide sociale, on trouve cette aristocratie sénatoriale, avec ses privilèges politiques qui lui assurent son prestige. A cela, il faut ajouter l'indépendance économique de cette aristocratie, de par ses domaines et les profits de ses affaires.
   Ensuite, les chevaliers, riches propriétaires terriens également, mais parmi lesquels on trouve aussi des negociatores. Ils investissent une partie de leur fortune dans la terre.
   Puis les élites locales italiennes. Ce sont des propriétaires fonciers dont le statut juridique, la fortune et la culture varient selon les régions de l'Italie. Ce qui est remarquable : ils dominent les cités.
   Suit la paysannerie italienne. Elle comprenait de nombreux citoyens romains qui ont une tendance à gagner les villes, et notamment Rome. Cette paysannerie, en immigrant vers les villes, forme un prolétariat urbain. Ce prolétariat est renforcé par la masse des affranchis.
   Finalement, la multitude des alliés de Rome, les socii. Ils n'arrivent jamais à obtenir la citoyenneté romaine, et sont exploités aussi bien par leurs maîtres que par l'Etat romain.
   Et au plus bas, la multitude des esclaves, sans droits personnels, exploités tant sur les domaines fonciers, que dans les mines et carrières.

         2) Les conséquences de la diversité sociale
   Cette diversité s'est réalisée très vite, sinon trop vite. Elle a donné naissance à des conflits opposants les couches sociales favorisées aux couches sociales dominantes, mais également à des conflits à l'intérieur même des groupes dominants qui ne présentent pas d'homogénéité ; il existe de nombreuses factions.
   L'Etat romain est prisonnier d'un ordre politique ancestral, d'une organisation lointaine. Ors, l'Etat est incapable de maintenir cet équilibre social. Il y a donc impossibilité pour l'Etat de résoudre par la voie pacifique les conflits entre, ou à l'intérieur, des groupes sociaux. La plus part des tentatives de réformes ont échoué devant cet état de fait.
   La conséquence est la crise de la société romaine avec des guerres civiles, des révoltes, qui jalonnent le dernier siècle de la République.

 

 

II] Les catégories supérieures

 

      A/ L'aristocratie romaine, ses mutations

   Sa place dirigeante s'est affermie après la Deuxième Guerre Punique ; c'est elle qui a combattu et ses victoires montrent la justesse de ses décisions, d'où leur prestige à Rome, en Italie, et au-delà. En 167, le roi de Bithynie, Crusias II, vient à Rome et se prosterne devant la porte du sénat, baise le sol et appelle les sénateurs les dieux sauveurs.
   L'aristocratie d'ailleurs, se sépare de plus en plus de la masse des citoyens, et elle ressemble de plus en plus à un ordre. Voilà pourquoi on parle de l'ordo senatorius. N.B: Cet ordre n'est pas organisé avant Auguste.
   Les sénateurs ont leurs places réservées lors des manifestations publiques, notamment à l'écart des nouveaux riches que sont les chevaliers. D'ailleurs, les chevaliers qui intégreraient le rang des sénateurs, devaient abandonner leur symbole (un cheval pris en charge par l'Etat).
   Cette ouverture de l'ordo senatorius est obligatoire : la natalité chez les sénateurs est faible. Voilà pourquoi certaines familles ne survivent que grâce à l'adoption, pour la continuité du nom et celui du culte des ancêtres. Deux exemples : les Fabii et la gens Cornelia. Ils ont adopté des fils produit par la gens Aemilia : P. Cornelius Scipio Aemilianus et Q. Fabius Aemilianus fils de L. Aemilius Paulus.
   Rem sur le nom romain : dans l'ordre Praenomen [P.], nomen [Cornelius] et cognomen [Scipio] ; le dernier, Aemilianus, est ici un adjectif dérivé de la famille de sang : la gens Aemila. Pour la plus part des noms (ceux en "-ius") on dira au pluriel : les xxx + i, comme pour "les Fabii" pour Fabius ; et la gens xxx + a, comme pour "la gens Cornelia" pour Cornelius

         1) La main mise sur le pouvoir
   Dès à présent, le nombre des postes élevés (préture et consulat) sont de plus en plus réservés aux familles aristocratiques, surtout après la Deuxième Guerre Punique. On estime qu'entre 233 et 133 a.v J-C, le consulat est une magistrature réservée à 26 familles.
   Sur 200 consuls connus, 159 appartenaient à ces 26 familles ; dix familles parmi ces 26 ayant accaparées 99 consulats. Entre 218-161, il n'y a eut que quatre sénateurs nouveaux. Entre 191-107, deux sénateurs nouveaux.

        
2) Les gentes dominantes
   La famille Cornelia obtient entre 218 et 107, 24 consulats ; la gens Claudia, 15 ; les Fluvii, 10 ; la gens Aemilia, 9 ; la famille Postumia, 9 ; les Fabii, 8 ; la gens Sempronia, 8.
   Ce qui justifie Salluste, dans Jugurtha, 63 : le sénat considère le consulat comme sa propriété. On remarque donc l'existence d'une véritable oligarchie fondée sur son expérience politique militaire et diplomatique. Cette aristocratie est alors capable de se constituer en Italie une clientèle nombreuse.

         3) L'accroissement de sa puissance économique
   La source principale de leur enrichissement est la conquête avec la mainmise sur les trésors et le butin pris par les généraux de Rome. Un homme comme Scipio Africanus a laissé à ses trois filles 300 000 deniers (1 200 000 sesterces). Le niveau de fortune requis pour être de la nobilitas étant de 100 000 deniers.
   Deuxième argument : la terre, élément de base ; les aristocrates sont des propriétaires fonciers avec des esclaves qui travaillent leur terre. Et on note une augmentation des superficies, par les achats de terre aux petits paysans, ou bien par la violence.
   Toutes les lois pour contrôler ce phénomène restent vaines. Ce qui est grave, c'est que ces terres sont acquises sur l'ager publicus. On constate une aliénation à des particuliers de cette terre destinée à nourrir le peuple romain. L'Etat la donne pour rembourser ses dettes aux particuliers, ce qui est très mal perçu.
   Les bénéficiaires de ces aliénations gratuites, sont soit des colons, soit des citoyens à titre individuels. La concession de terres en friches non cadastrées à des particuliers sans titre de propriété véritable ; ce sont ces terres là qui sont usurpées par les grandes familles.
   Caton dans De Agricultura en 195 fait apparaître ce que doit être l'idéal vieux romain : le service de l'Etat (devoir sacré), le respect de la tradition religieuse et morale et enfin l'hostilité aux nouveautés. Mais dans sa vie privée, l'aristocrate n'a qu'un but : accroître la fortune héritée de ses ancêtres, et pour ce faire, exploiter au mieux son domaine pour vendre à l'extérieur ses profits.
   Voilà pourquoi au IIe siècle, l'aristocratie développe une agriculture commerciale, fondée non plus seulement sur les céréales, mais aussi sur la vigne et l'olivier. Ors, pour rentabiliser cette production, il faut une forte main-d'œuvre exploitée au maximum.
Aux côtés de cette trilogie méditerranéenne, coexistent l'exploitation des forêts, le développement des viviers, de l'élevage, des ateliers artisanaux pour produire de la céramique (amphores, conteneurs, outils).
   Mais Caton dit aussi que l'on peut pratiquer le grand commerce et la banque en passant par des intermédiaires. De la sorte, Caton contourne la Lex Claudia de 218, qui interdit le commerce aux sénateurs. On utilise des prêtes noms, des hommes de paille.

   La nobilitas occupe une position dominante, mais attaquée par les sénateurs ordinaires et les hommes nouveaux qui s'élèvent socialement.

 

B/ L'ascension de l'ordre équestre

   Cette catégorie sociale s'est constituée au cours du IIIe siècle, et doit son développement à deux facteurs : l'expansion du territoire romain et son administration.
   Au IIe siècle a.v. J-C, les
censeurs prirent acte de la création de fortunes non-foncières et commencèrent à enregistrer les fortunes mobilières (commerce – artisanat - banque). Ils les inscrivirent aux premiers rangs des premières centuries.
   Peu à peu les composantes se regroupèrent dans un ordre distinct, l'ordre équestre, qui s'établit juridiquement à l'époque des Gracques. On distingue alors les sénateurs des chevaliers. Les equii qui avaient exercé une magistrature devenaient des sénateurs, et par conséquent rendre le cheval public qui les symbolise. Aussi l'anneau d'or, la tunique avec une bande pourpre étroite, éventuellement des places réservées dans les spectacles.

 

 

III] Les catégories inférieures de la société.

 

      A/ En ville

         1) Les artisans
   On a très peu de renseignements sur ces catégories sociales en général. Au IIe siècle, on observe du fait de l'essor économique de l'Italie – fruit du passage de la culture céréalière à une culture de plantation, des relations commerciales et des activités bancaires – la naissance d'une couche artisanale à Rome et dans les autres villes italiennes.
   Comme sources pour les études, les historiens disposent des Comédies de Plaute ; De Agricultura de Caton qui évoque une multitude de métiers artisanaux en liaisons avec l'agriculture.
   Parmi ces métiers : les ouvriers du textile avec en particulier les foulons ; ceux qui relèvent de l'attelage, de la céramique, du métal et de sa transformation. Les affranchis : leur nombre s'accroît, comme celui des esclaves.

         2) Les petits commerçants (tabernarii)
   Ce sont les marchands en plein air, propriétaires de boutiques sur le forum, les cirques etc. On a même des inscriptions qui mentionnent des spécialistes de la vente d'encens. Le tabernarius représente un élément essentiel de la composition des villes, l'élément le plus turbulent parfois. L'ouverture ou la fermeture des boutiques est un signe manifeste des luttes politiques ou sociales.
   Cependant, cette classe est tributaire du loyer de ses boutiques, des emprunts. Ses origines sont souvent affranchies. Pour
Rome, une quarantaine d'inscriptions parle de ces métiers.

         3) Le prolétariat urbain
   Tout un monde social en dessous des deux catégorise ci-dessus : l'infima plebs.
   Il est constitué par des hommes libres qui ne possèdent rien, qui vivent uniquement de leur travail, ont tendance à vivre sans travailler des largesses privées ou publiques. Salluste dit qu'ils se sont constitués à partir de l'exode rural.
   C'est une main d'œuvre utilisée concurremment aux esclaves, dans les activités du bâtiment principalement. Ils sont à la limite du minimum nécessaire pour survivre.

         4) Les classes dangereuses
   Ce sont des gens utilisés par les chefs politiques comme hommes de main. Certains hommes politiques forment ainsi de véritables bandes paramilitaires. Les raptores (voleurs à la tire), les sicarrii (un coupeur de gorge), les effractores (cambrioleur), les receptatores (receleurs).
   Tous ces métiers prospèrent avec l'absence d'une police efficace.

 

B/ La plèbe rurale

   C'est un milieu qui s'appauvrit et se prolétarise. C'est la conséquence de la Deuxième Guerre Punique (218-202) et de l'expansion romaine qui s'en suivit, notamment en Orient.

        
1) Les conséquences des guerres
   Pour l'Italie, la descente d'Hannibal a provoqué une saignée démographique : c'est la paysannerie qui fournissait le recrutement principal des armées. La bataille de Cannes en 276 a été un désastre. Ensuite, l'Italie subit les dévastations d'une armée qui vit sur le pays pendant quatre ou cinq années. Viennent ensuite les guerres de Macédoine, et d'Espagne. Les populations paysannes d'Italie vont encore devoir faire des sacrifices.
   On note donc un affaiblissement considérable de la population rurale et aussi des difficultés pour le recrutement de l'armée. Les rescapés ne se sont pas trouvés en mesure économiquement de remettre en état leur terre (outillage détruit, terres en friches, bétail insuffisant, manque de capitaux). C'est alors la mainmise des grands propriétaires sur les terres de ces moyens et petits propriétaires qui agrandissent leur propriété exploitée par des esclaves.
   D'où le constat de Tib. Sempronius Gracchus, en 133, dans un discours au sénat (Plutarque, vie des Gracques). Mais la situation n'est pas uniforme. L'Etrurie est bien moins touchée que l'Apulie par exemple.

         2) La paysannerie en 133
   De nombreux paysans trouvent leur subsistance comme journaliers sur les domaines des riches propriétaires, la plupart du temps dans un cadre saisonnier. On considère que leur sort est pour cela comparable à celui des esclaves.
   Cette situation engendre une migration des masses paysannes vers les villes et principalement
Rome. Elles espèrent y trouver une aide alimentaire, des travaux temporaires fournis par les municipalités et l'Etat romain. Elles cherchent aussi à entrer dans la clientèle d'hommes politiques influents en échange de leur aide, par exemple lors des votes.

 

      C/ Le cas des esclaves

         1) Définition juridique
   On considère que l'esclave est un individu qui ne dispose pas de sa liberté ; il ne s'appartient pas à lui-même mais à un autre dans son corps et dans son travail : on l'achète et on le vend. D'où le vocabulaire employé : bétail humain, outil animé...
   Le droit romain est encore plus rigoureux que dans le monde grec et hellénistique : un esclave est un être dépourvu de personnalité. Mais au cours de la période on note une certaine évolution perceptible dans le droit pour améliorer la condition servile, en considérant que cet instrument est un être humain. On se rend compte que dans certaines circonstances, l'esclave peut remplacer le maître.

        
2) Sa croissance.
   Du IIIe au Ier siècle, il y a une croissance de la masse des esclaves, liée à son poids économique. Cette croissance répond au marché de l'offre et de la demande. La demande : les grands propriétaires qui ont un besoin croissant de main d'œuvre rentable pour développer des agricultures d'exportations. Au même moment, la paysannerie est sollicitée pour l'armée. Les esclaves représentent alors tous les avantages : aucun droit politique ni sociaux, pas de service militaire, exploitation sans limite, produit bon marché. L'offre : les marchés sont alimentés régulièrement par les prises de guerre

        
3) Leur nombre
   On obtient une estimation en compilant le nombre de prisonniers de guerre vendus comme esclaves dans les sources. Dubont, Servius, les considère entre 32 à 70% de la population totale de l'Italie.
   Polybe parle en 167 en Epire de 170 000 prisonniers vendus comme esclaves ; en 104 : 140 000 germains sont vendus comme esclaves. Il faut ensuite encore ajouter les naissances dans les familles d'esclaves, sous forme d'élevage, les prises de piraterie (à Délos, Strabon : 10 000 esclaves vendus par jour à un prix moyen de 1 200-1 500 sesterces). Aussi, l'esclavage par décision de justice, pour cause de dettes ; enfin le cas des enfants exposés : celui qui le trouve en fait ce qu'il veut.

         4) La place des esclaves dans la société
   En Milieu rural : beaucoup d'esclaves sur les grands domaines, particulièrement dans les plantations (vignes, arbres fruitiers, olivier). Tib. Gracchus avait constaté en Etrurie en 137 que les ouvriers agricoles, les bergers étaient en majorité des esclaves étrangers.
   Aussi ceux qui travaillent dans les mines et carrières. C'est dans ce milieu de travailleurs qu'on va trouver la mortalité la plus grande.
   En milieu urbain : on trouve, aux cotés des affranchis et de la plèbe, des esclaves dans les ateliers de céramiques pour monter les vases, les décorer ou les faire cuire, ainsi que dans les briqueries. On en trouve encore dans les grandes familles, dont ils constituent la domesticité.

         4) La condition servile au milieu du IIe siècle a.v. J-C
   C'est une couche sociale séparée des autres par l'absence de droit et la dureté de leur condition de vie. Dans cette condition, il n'y a pas d'homogénéité : les esclaves urbains jouissent d'un sort nettement plus favorable que pour les esclaves ruraux. Les traitements brutaux ne servent en général à rien. En plus, les esclaves ont l'espoir d'être un jour affranchi pour bons et loyaux services. Les esclaves des plantations et mines ont des conditions fort difficiles.
   Ils fournissent un travail constant, long, et sans congés. C'est l'usage des chaînes, un travail demandé même lors des jours de fêtes et de mauvais temps ; les rations sont moindres en cas de maladie. L'usage du fouet, des chaînes, la torture, la crucifixion.

   D'une façon générale, leur sort est peu enviable, d'où des révoltes périodiques. En 198, en
Etrurie on envoie une légion (6 000 hommes) pour les combattre. 185-4, en Apulie, un soulèvement de bergers qui préfigurent les trois grandes révoltes en Sicile et Italie.

Texte établi à partir d'un cours de faculté suivi en 1998-9
Grands Mercis au professeur

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Mise à jour du : 22/03/99