CHAP 2... Les institutions romaines au IIe siècle av. J-C
Il paraît indispensable de
connaître les institutions romaines pour comprendre ensuite les modifications apportées
au gré des conquêtes et des mutations politiques. On distingue ainsi deux aspects : l'un
statique avec des notions institutionnelles, et l'autre évolutif qui montre que rien
n'est fixé définitivement. Les évènement ont fait évoluer les institutions vers une
certaine crise.
La république romaine s'est établi dans le cadre général de la cité.
Comme en Grèce, on va y
rencontrer les trois composantes fondamentales : des assemblées populaires, des
magistrats et un conseil.
Mais les
compétences de ces composantes ne sont pas les mêmes que pour Athènes. Les romains ont dépassé sur le
plan juridique le cadre de la communauté de citoyen pour arriver à une notion plus
abstraite : la chose publique, la res publica. La communauté de citoyens à Rome forme le populus
romanus. Et donc la qualité de citoyen détermine
l'appartenance au peuple romain. Voilà pourquoi avec Cicéron, dans De Republica (1,39,41), on peut dire que le peuple
était définit comme une association organique fondée sur un droit commun ; ce droit
commun est le droit de cité, la civitas. Cette civitas peut être à son tour définit comme la
constitution, la forme d'organisation du peuple, et la notion de res publica, comme
les choses qui appartiennent au peuple, c'est à dire l'Etat.
Sur le plan
politique en suivant Polybe, Constitution de Rome, la participation du peuple romain à
la vie politique est devenue indispensable dans trois domaines essentiels : l'élection
des magistrats, le vote des lois et des plébiscites, les jugements des crimes et délits
importants.
I] Les comitia
A Rome, à la différence d'Athènes, il y plusieurs assemblées,
d'origines et de caractères différents. Les comitia se réunissent sur le comitium, espace circulaire sur le
quart nord-est du forum romain.
Ces
assemblées n'ont jamais été pleinement démocratiques : longtemps elles ont été
soumises à l'aristocratie. Elle commence à s'en libérer au IIe siècle, lors de la première guerre punique.
En suivant Aulus Gellus, dans Nuits Attiques, il dit qu'il y a trois types
d'assemblées qui tiennent compte du mode de répartition des citoyens. Il distingue les
comices curiates (répartition selon l'origine), les comices centuriates (répartition en
fonction du cens et de l'âge) et les comices tributes (répartition des citoyens romains
selon le lieu où ils résident).
1) Les comices curiates
Elles ont pour origine la royauté, avant 509.
Elles subsistent sous la République, mais leur rôle est alors peu important. Il y a
trente curies qui formaient le cadre le plus ancien de réunion des citoyens. Elles
étaient alors chargées d'approuver, plutôt que de prendre des initiatives. Sous la
République, cette assemblée a été désertée par les citoyens qui se font remplacer
par des appariteurs, au
nombre de trente : les licteurs,
à raison d'un par curie.
Le rôle de
ces comices curiates est donc limité, toutefois, sur le plan politique, elle donne l'imperium (pouvoir civil et
militaire) aux magistrats supérieurs, ce qui est une formalité essentielle. Ces
magistrats supérieurs sont les consuls et les préteurs.
Sur le
plan religieux, cette assemblée est présidée par le grand
pontife, et elle procède à la mise en place du rex sacrorum chargé de faire les
sacrifices autrefois dédiés au roi, et de prendre les pouvoirs des consuls quand ceux-ci
meurent.
Sur le
plan juridique, les comices curiates autorisent l'arrogatio : l'adoption d'une personne par un chef de famille pour éviter que le
nom de sa famille ne disparaisse (perpétuer le culte des anciens).
2) Les comices centuriates
C'est pendant longtemps l'assemblée la plus
importante. Ses origines sont très controversées. La tradition les fait remonter à Servius Tullius ; on est en tout cas certain
qu'elle existait au milieu du Ve siècle.
a. L'organisation censitaire
Le peuple romain est réparti en cinq classes
censitaires, répartition établie selon le niveau de fortune. La première classe est
formée par les citoyens les plus fortunés : des individus ayant une fortune à 125 000
as. Elle comprend 80 centuries : 40 de juniores (18-46ans) et 40 de seniores
(plus de 46 ans).
La deuxième classe : 75 000 as. Elle est composée de 20 centuries
La troisième classe : 50 000 as. Elle représente 20 centuries.
La quatrième classe : 25 000 as. Elle est composée de 20 centuries.
La cinquième classe : 11 000 as. Elle est composée de 30 centuries.
A cela, il faut ajouter 18 centuries de chevaliers, et 5 centuries hors classes (2
d'ouvriers du bois et du métal, 2 de musiciens, et 1 pour les plus pauvres les capite
censi).
L'évaluation de la fortune se fait sur les biens fonciers. On remarque aussi
que le cens des deux premières classes correspond à la fortune d'un petit propriétaire.
b. Conséquence sur le vote
Cette répartition à l'intérieur des comices
centuriates a une influence sur le vote. Il a lieu sur le champ de Mars : il y a de l'espace. On vote
par centurie ; la majorité exprimée par la centurie représente l'opinion de
l'assemblée centuriate. La majorité absolue est donc de 97. Ors, on commence par faire
voter les 18 centuries de chevaliers, puis les 80 centuries de la première classe et on
arrête le vote dès que la majorité est atteinte. C'est donc leur opinion qui était
représentée !
Surtout,
dans ce système peu démocratique, les centuries les plus riches sont les moins
nombreuses : les 40 centuries de seniores sont faiblement représentées.
Finalement, le vote est oral et donc toutes les pressions peuvent être exercées sur les
clientèles des plus riches.
Au Ve et au IVe, les comices centuriates
correspondent donc à une assemblée aristocratique, traditionaliste, qui s'appuie sur les
privilèges de l'âge et de la fortune.
Ce système va subir des réformes à partir du IIIe siècle.
Entre 241 et 220 (Les deux guerres puniques), il y a une
mutation : on retire les prérogatives du début de vote aux chevaliers et on réduit la
première classe de 80 à 70 centuries. Cela permet donc à la deuxième classe de
participer au vote, mais bon
c. Les attributions des comices centuriates
Les attributions électorales : Les comices
centuriates élisent les magistrats supérieurs : consuls, préteurs et tribuns à pouvoir
consulaire.
Les attributions législatives : elles votent les lois mais n'ont ni
l'initiative ni la possibilité d'amendement. Dès la fin du IIIe siècle,
elles perdent cette prérogative au profit des comices tributes. Elles votent la guerre et
participent à la conclusion des traités.
Les attributions judiciaires : elles jugent en cas de parricide, et
elles font office d'instances d'appel en cas de crime de haute trahison (perduellio). C'est la provocatio ad populum, notion
fondamentale dd droit romain d'en appeler au peuple.
3) Les comices tributes
Les origines sont encore une fois obscures :
la répartition des citoyen est faite selon les lieux d'exploitations des terre et de
résidences. Le citoyen est donc inscrit dans une tribu et la mention de la tribu est la
preuve de la citoyenneté.
Leurs nature : aux origines de Rome, il y avait quatre tribus qui correspondaient au découpage de la ville :
ce sont les tribus urbaines. Avec l'extension du territoire sur le Latium, en 495, on compte 21
tribus dont 17 tribus rustiques. Elles portent le nom de la famille qui avait leur domaine
dans chacune de ces circonscriptions. En 241, on arrête la création de
nouvelles tribus ; il y a alors 35 tribus, nombre définitif. Ensuite, les nouveaux
citoyens sont inscrits dans les tribus existantes ; les comices tributes perdent alors
leur notion. Les citoyens sont répartis dans les tribus par un magistrat : le censeur.
Les
attributions : elles élisent les magistrats inférieurs : questeurs et édiles. Aussi, les tribuns de la plèbe. Plus tard, elles seront amenées à voter la plus part des lois. Il y a
un appel possible aux comices tributes pour les fortes amendes.
Ces
assemblées sont ouvertes en principe à tous les citoyens. En sont exclus, les femmes,
les esclaves, les pérégrins, les Italiens.
Mais dans
la pratique, tous ne participent pas à la vie de ces assemblées : les longues distances,
l'indifférence des ruraux et des habitants des cités créées par Rome : ils sont plus soucieux de leurs
intérêts que de ceux de Rome. Voilà pourquoi on observe que les citoyens romains
laissent la direction des affaires à quelques familles qui occupent les magistratures, et
sont élus par leurs clientèles.
En outre,
il ne faut pas oublier l'existence de citoyens laissés hors des comices (erreurs et
fraudes dans l'établissement des listes par les censeurs). Enfin, au premier siècle, on
a une grande quantité de citoyens à inscrire et on manque de personnel (400 000 citoyens
et pas d'ordinateur !).
II] Les magistrats
1) La notion de magistrat
a. Les formes du pouvoir
Il faut distinguer la notion de potestas et d'imperium. La potestas est
l'autorité reconnu par le droit. Elle est réservée au magistrats inférieurs :
questeurs et édiles et censeurs.
L'imperium,
c'est le pouvoir de commandement. Il est réservé aux préteurs et consuls. On distingue l'imperium militiae (ces magistrats on
le droit de recruter et de commander les troupes). L'imperium militiae ne peut être
exercé à l'intérieur du pomerium et seul un magistrat doté de cet imperium peut triompher. Et l'imperium domi, à caractère civil,
qui donne au magistrat un droit de contrainte vis à vis des citoyens, le pouvoir de
convoquer et de présider les comices centuriates et tributes et les réunions du sénat.
b. La désignation des magistrats
Ils sont élus à la suite d'élections. Les comices centuriates pour élire les
magistrats supérieurs (consuls, préteurs, censeurs), les comices
tributes pour les magistrats inférieurs (édiles,
questeurs). Une exception : lors d'une situation grave, les consuls ont le pouvoir de
nommer un dictateur avec son maître de cavalerie (magister equitum).
L'éligibilité
aux magistratures porte un nom : le ius honorum. Au IIe siècle,
il faut avoir un niveau de fortune équivalent à 400 000 sesterces, soit le cens des
chevaliers, pour en être doté. Ne peuvent donc y avoir droit que la première classe et
les chevaliers.
c. L'exercice des magistratures
Il faut toujours respecter un intervalle de deux
ans pour les magistratures, sauf pour les censeurs juste après consulat.
Il existe un ordre pour l'exercice des charges publiques : questure,
édilité / (tribunat de la plèbe), préture, consulat, censure. Mais l'exercice de l'une
des trois premières suffit pour devenir préteur.
Il faut aussi respecter un âge minimum : trente ans. Avant cet âge, le
citoyen romain fait son service militaire pour une durée de trois ans à cheval ou de six
ans à pieds. Le consulat s'exerce vers quarante ans.
Au IIe siècle, les magistratures sont monopolisées par
l'aristocratie, à l'intérieur de laquelle se distingue la nobilitas. C'est qu'une campagne
électorale coûte cher avec la pratique des pots-de-vin et des subsides, et que certaines
magistratures coûte chers : elles ne sont pas rémunérées.
Seuls
accèdent donc à ces magistratures les grandes familles qui ont des moyens financiers,
des clientèles, et qui ont entre elles des liens matrimoniaux. Parfois s'intercalent des
hommes nouveaux, riches, bien mariés ou adoptés.
d. L'organisation des magistratures
L'annalité : on est élu en principe pour
un an, tout simplement pour éviter les abus d'autorité. Deux exceptions : la censure
tous les 5 ans pour 18 mois et la dictature nommée pour 6 mois renouvelables.
L'itération : on ne peut pas exercer deux fois de suite la même
magistrature (pour le consulat il faut attendre dix ans). Il y a dérogation néanmoins en
cas de manque de candidats. La fonction est alors prolongée et c'est une promagistrature : propréteur, proconsul...
Ces promagistratures sont des entorses incontestables au principe de base, qui sont à
l'origine des problèmes de la république avec les tentatives d'instauration de régimes
personnels.
La
collégialité : C'est un trait original de Rome, sauf pour la dictature, les magistrats sont toujours au moins deux.
Depuis 241, on a deux préteurs, mais il y aura 8 questeurs et 10 tribuns de
la plèbe. Si on multiplie ainsi le nombre de magistrats à l'intérieur d'un collège,
c'est lié à l'accroissement des charges, mais aussi au désir d'affaiblir certaines
magistratures à l'origine réservées à l'élite de l'aristocratie, aux patriciens, et
qui ont été ouvertes à la base de l'aristocratie, aux plébéiens. Enfin un souci de ne
pas concentrer les pouvoirs aux mains d'un seul homme ; toujours se prémunir d'un pouvoir
personnel.
A
l'intérieur de chaque collège, chaque magistrat dispose de la plénitude du pouvoir :
comme son collègue dispose également du même pouvoir, ils se neutralisent. Mais à Rome, celui qui s'oppose l'emporte sur celui
qui propose. Cela entraîne souvent un blocage des institutions.
Au sortir
de sa charge, tout magistrat doit rendre des comptes sur sa gestion. Mais cela reste
théorique : jugé par le sénat, il l'est par ses pairs !
2) Les différentes magistratures
a. La dictature
C'est une magistrature extraordinaire. La
nomination d'un dictateur, par les consuls, pour 6 mois à lieu en cas de périls
intérieurs ou extérieurs grave dans l'intérêt de la cité. Tous les magistrats (sauf
les tribuns de la plèbe) lui sont alors subordonnés. Il dispose d'un imperium militiae même dans l'enceint
du pomerium ; la
répression pénale effectuée sous le gouvernement d'un dictateur et sans appel (ad
populum provocatio). V. Sulla,
César.
b. La questure
En 133, il y en a déjà huit. Deux
à Rome, les autres en Italie pour la perception des impôts. Ils
sont élus par les comices tributes et jouissent de la potestas. Ce sont des spécialistes des questions financières et ils ont la garde
du trésor (dans le temple de Saturne), ils ont aussi le contrôle de l'administration
financière locale en Italie, et ils accompagnent les consuls en campagne (ravitaillement,
solde).
c. L'édilité
Ils sont autre : deux édiles plébéiens et deux
édiles curules. Ils sont élus par les comices tributes et disposent de la potestas. Leur fonctions sont
nombreuses et leur coûtent cher.
Ils sont
chargés de la police des rues, des tavernes, des marchés, des murs, de la
surveillance des bains, des alimentations en eau etc.. ils jugent les petites infractions.
Et ils doivent organiser les jeux pour lesquels ils puisent dans leurs propres ressources
; pour certains édiles, des jeux fastueux dans l'espoir d'être élus gouverneurs.
d. La préture
Il a aussi des pouvoirs judiciaires. Il possède un
imperium. Il est
chargé de l'organisation des procès. En 242, devant la multiplication des
affaires et l'affluence des étrangers à Rome, on nomme un deuxième préteur dit pérégrins. Il est chargé de régler les affaires mettant en cause des étrangers.
Ils ont
aussi des fonctions de commandement militaire, ils peuvent convoquer l'assemblée du
peuple et du sénat, réunir les comices tributes et proposer des lois.
A partir du
IIe siècle, et avec la
création des provinces, de nouveaux prêteurs sont nommés par tirage au sort pour
administrer les provinces.
e. Le consulat
Ils apparaissent en 509 avec la chute
de la royauté. Elle est ouverte aux plébéiens à partir de 367. Ils ont
l'imperium le plus important. Même soumis au contrôle du sénat, ils
conduisent la guerre, nomment les officiers, imposent les contributions aux peuples
vaincus et exercent le droit de répression sur leurs troupes (décimation : tuer un
soldat sur dix).
Ils proposent des lois, les rogatio. Les consuls, au nombre de deux, sont les gardiens de l'ordre public.
f. La censure
Selon la tradition, en 443, sont
créés les deux censeurs qui sont élus tous les cinq ans pour 18 mois. Ils jouent un
rôle politique et moral.
Rôle politique : ils sont chargés du recensement quinquennal des
citoyens, de les répartir dans les tribus et les centuries. De même, ils sont chargés
d'établir l'album sénatorial.
Rôle moral : les censeurs disposent de la note censeurielle : droit
d'infliger des blâmes en cas de faute : discipline militaire, abus de pouvoir, excès de
luxe, divorce etc.
La censure a été irrégulièrement assuré au Ier siècle ; un
des aspects de la crise des institutions.
Enfin, ils ont entre leur main l'adjudication des travaux publics,
l'affermage des travaux des mines, la gestion des domaines de l'Etat et la surveillance de
la bonne rentrée des impôts.
g. Le tribunat de la plèbe
Cette magistrature est à traiter à part. A
l'origine, elle est conçu comme un organe de défense des plébéiens contre les
patriciens (descendant des familles originelles de Rome). Un tribun de la plèbe doit donc
porter secours, le devoir d'auxilium, à tout plébéien menacé par un patricien. A notre époque, ils sont
au nombre de dix ; ils ont des pouvoirs considérables mais de nature particulière.
Un tribun
de la plèbe a le droit de réunir l'assemblée plébéienne, plus tard ils pourront même
convoquer les séances du sénat. Ne peuvent exercer le tribunat de la plèbe que des
plébéiens ; pour un patricien, il doit d'abord passer le translatio
ad plebem (Publius Claudius qui devient publius clodius).
Un tribun
de la plèbe n'est pas un magistrat ; il n'a pas de potestas ni d'imperium.
C'est que son pouvoir est supérieur à celui d'un magistrat à imperium. En effet,
un tribun de la plèbe peut s'opposer à toute action d'un magistrat de deux façons :
Soit préventivement à un acte, une loi, une
décision (la prohibitio).
Soit une fois la loi votée, en la cassant (l'intercessio).
Le seul
moyen de s'opposer à un tribun de la plèbe, c'est de lui opposer un autre tribun de la
plèbe. Mommsen dit : "le
tribunat de la plèbe est la révolution permanente légalisée". Mais les romains
comprennent tardivement l'importance du tribunat de la plèbe : ce n'est qu'à partir de Tiberius Gracchus.
Le tribun
de la plèbe est sous la protection des dieux ; porter la main sur lui est un sacrilège.
Celui qui a commis cet acte voit ces biens confisqués et attribués au temple de Cérès, déesse protectrice de la
plèbe qui a son sanctuaire sur l'Aventin.
Ces
pouvoirs ont été revêtus par les empereur eux-mêmes sous la forme de la puissance tribunitienne. Elle s'exercera à
l'échelle de tout l'empire.
A la fin du
IIIe siècle, il y a 28 magistrats accompagnés
de licteurs. Au fur et à mesure de l'extension de l'empire, ce personnel va s'avérer
insuffisant et on va recourir de plus en plus souvent à la promagistrature. Cette
pratique contribuera à fausser le jeu politique du régime républicain.
III] Le sénat
Ce conseil intervient dans toutes les relations, intérieures ou extérieures. Politiquement, c'est l'organe permanent de l'oligarchie au pouvoir. Son apogée se situe au IIIe siècle et dans les deux premiers tiers du IIe. Mais à partir de 133, l'autorité du sénat est en diminution.
1) Sa composition
Au IIe siècle, on compte 300
sénateurs. Au Ier siècle, Sulla en 81 porte leur nombre à 600. Julius Caesar l'augmentera encore à 900 ;
finalement, Auguste le
réorganisera et le placera à 600 membres.
Les
sénateurs sont appelés au sénat par les censeurs. C'est la Lex
Ovinia qui charge les censeurs de prendre les meilleurs
dans chaque catégorie de citoyens ; dans la pratique, les sénateurs sont pris
systématiquement parmi les anciens magistrats : consuls, prêteurs et édiles.
Avec les Gracques, le recrutement va être étendu aux
tribuns de la plèbe et aux questeurs.
Finalement,
le sénat est l'organe de la nobilitas. Néanmoins dans le sénat on remarque une
grande diversité avec des patriciens, les patres, et des plébéiens, les conscripti.
2) Les réunions
Le sénat peut être convoqué par les consuls,
prêteurs et tribuns de la plèbe. Il est alors présidé par celui qui les a réunit.
Mais il n'est consulté que pour ce que le magistrat veut leur soumettre. On ne parle que
de l'ordre du jour. Par contre le temps de parole est illimité, ce qui est une stratégie
!
3) Les
attributions
Sur le plan religieux, il
est le garant de la religion ; il admet ou prohibe les nouveaux dieux, il fixe les
dédicaces pour les temples et lieux sacrés, il fixe le calendrier des fêtes.
Sur le plan financier, il est le gardien du trésor
de l'Etat ; il fixe les dépenses à faire, administre l'ager publicus et assigne
les terres aux colons.
Sur le plan politique et militaire, il décide des
opérations à entreprendre, ordonne la levée et la libération des armées, il contrôle
les opérations militaires en campagne et organise les territoires conquis.
Il contrôle les magistrats qui doivent lui obéir et il reçoit les ambassades,
négociant en son nom et celui du peuple romain (S.P.Q.R.) et il conclut les paix.
IV] Les mutations des institutions au IIe siècle
Certaines observations montrent pourquoi les institutions sont tombées en crise.
1) Un accaparement du pouvoir par la nobilitas
Le Sénat est la citadelle de l'oligarchie, mais
tous ses membres ne sont pas oligarques ; la plus pars sont neutres, suivant les autres.
Seuls les anciens magistrats curules ont pris de l'importance, et à l'intérieur de ce
groupe même, dominent ceux qui ont exercé le consulat : les consulaires. Cela
représente une douzaine de familles en tout !
La nobilitas a la haute main sur les magistratures, le commandement
militaire, le gouvernement des provinces, l'armée, les finances publiques et la guerre
publique.
On observe ainsi un resserrement des pouvoirs, un monopole politique. Dans la
première moitié du IIe siècle, on ne compte que quatre homines novi.
Un homme nouveau est un personnage devenu consul sans que sa famille soit d'importance.
2) L'exemple des
mesures législatives
En 180, la Lex Villia Annalis réglemente la
carrière des honneurs en imposant un ordre obligatoire pour l'exercice des magistratures,
après dix années de service dans l'armée. Elle impose un intervalle de deux ans entre
chaque magistrature et un age minimal : 30 ans. Son but est évident : freiner les
ambitions personnelles.
Entre 181-159,
les Leges De Ambitu, loi
sur la brigue électorale des magistratures, réglementent les conditions de candidatures
; elles contrôlent ainsi les candidats.
Au milieu
du IIe siècle, une
action est menée contre les tribuns de la plèbe, proposant leur entrée du sénat en
sortie de charge ; le but est de les neutraliser en les domestiquant.
Entre 153-151, un contrôle est établi sur l'avancement de
l'entrée en charge des consuls. Ils entraient auparavant en charge le 1er mars
; on avance cette date au 1er janvier pour éviter la prorogation de leur
commandement (on ne fait pas la guerre en hiver). Et on interdit la réitération du
consulat.
En 149, la justice est contrôlé par l'oligarchie
sénatoriale. La Lex Calpurnia De Repetundis, loi sur la concussion, les pots de vins, institue des tribunaux
permanents : les quaestiones perpetuae, chargés de juger les extorsions commises au dépend des provinciaux par
les magistrats. Le principe est bon, mais dans l'application, les juges sont des
sénateurs ! Les magistrats sont alors jugés par leurs pairs.
3) Une hostilité pour l'oligarchie sénatoriale
On l'observe à l'intérieur même de la nobilitas.
Quelques familles illustres ont puisé dans les conquêtes leur prestige et leur richesse.
Parmi celles-ci les Scipion, Corneli, et les Scipiones.
Le plus célèbre est Scipion l'Africain : il a vaincu Hannibal. Il obtient ainsi plusieurs fois des prorogations de commandement, sans
aucun respect des règles du cursus honnorum (il est consul à 25 ans). Populaire,
il est attaqué par Caton, homo
novus, qui ne supporte pas ses excès. Egalement, Scipion
Emilien, obtient deux consulats dans des conditions
illégales.
En fait,
progressivement, le sénat est paralysé par les luttes entre catégories sociales et par
des luttes de personnes entre familles. Se chamaillant, il n'est pas favorable à une
dynamique de réformes, pourtant nécessaire en cette période.
3) La part de la plèbe urbaine
Elle soutient les personnages ambitieux, ceux qui
lui promettent terres et des trésors. Elle réclame des distributions alimentaires, des
terres sue l'ager publicus ; elle obtient enfin la réforme du suffrage qui devient
secret en 139 ; c'est la première loi tabellaire, la Lex Gabilia.
Cette
plèbe, de plus en plus nombreuse dans l'armée romaine grâce à l'allègement du cens,
exige une part toujours plus importante du butin et s'attache au général victorieux.
Elle est moins attachée aux institutions qu'aux personnages.
4) La montée en puissance des chevaliers publicains
Ils font partie de la classe possédante, mais
s'éloigne de la classe politique en refusant les honneurs, car ils souhaitent avant tout
faire des affaires financières. Ils s'opposent dans les provinces à l'absolutisme des
gouverneurs. Ces derniers voulant d'ailleurs freiner les ardeurs et les contrôler ; d'où
la revendication de ces chevaliers de faire parti des tribunaux, pour pouvoir accuser un
gouverneur.
Pendant longtemps, du IIIe
à la moitié du IIe siècle, on voit l'apogée du système institutionnel
romain. La vie politique repose sur des institutions établies selon les mos maiorum.
Néanmoins,
jusque là les réformes faites ne touchent que des points de détail. En suivant Cicéron : le peuple doit avoir le
pouvoir, le sénat l'autorité. Ce principe mixte voit se produire de plus en plus souvent
des conflits de compétence entre le Sénat et le Peuple ainsi qu'entre le Sénat et les
magistrats.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 22/03/99