CHAP 6... La "crise" du IIIe siècle : causes et aspects politico-militaires
A/ Les mutations politiques
1)
Le Sénat
La période manifeste un déclin politique incontestable du sénat. Dès les Sévères on note ce déclin avec des
persécutions avec Maximin le Thrace.
L'influence du sénat sur le plan militaire est considérablement réduite
par Gallien, tandis que les
empereurs illyriens (Claude II
Aurélien : 268-275)
l'écartent du pouvoir. Néanmoins, ce comportement n'est pas systématique :
certains empereurs cherchent à collaborer comme Sévère
Alexandre (222-235), les Trois Gordiens (238-244), Pulpien et Balbin en 238. Trajan Dèce (249-251) lui confie l'administration civile, et Tacite (275-276) aurait remis
le Sénat au premier rang.
Le déclin politique est visible dans la nomination des empereurs. La
tradition veut que l'empereur soit acclamé par les sénateurs. Seuls Pulpien, Balbin et Tacite ont
été désignés par le sénat. En 282, Carus proclamé empereur par l'armée de Rhétie néglige de demander l'acclamation du sénat. C'est déjà une perte
d'influence. Suit un affaiblissement en matière législative et juridique : le Sénat
est remplacé par les chevaliers et les juristes.
En fait, on constate un déclin politique du sénat certain, mais
sur le plan social, il conserve toute son influence et son prestige.
2) Les chevaliers
Dans l'administration de l'empire, la
distinction entre provinces sénatoriales et impériales s'efface du fait de la guerre
contre les barbares et de la guerre civile : de plus en plus, toutes les provinces
sont armées.
Il y aura toujours des légats de rang sénatorial avant Gallien (253-268), mais ils
sont moins nombreux, on les prive de leur commandement militaire pour les remplacer par
des chevaliers avec le titre de praeses, -ides.
On assiste à la même évolution pour les commandement
de légion. Le légat est remplacé par un préfet chevalier. Les commandements
extraordinaires, les vexillations,
sont donnés à des chevaliers avec le titre de dux, -cis.
L'ordre équestre a ainsi récupéré et les pouvoirs civils et les
pouvoirs militaire de l'ordre sénatorial avec la pratique du recours aux intérims avec
l'exemple de Thymésithée.
Cette évolution est le résultat aussi du désintérêt d'un certain nombre de sénateurs
pour l'armée. Les guerres sont longues, meurtrières, cause de stress. Aussi le
gouvernement à recours aux hommes d'expérience que sont les chevaliers.
3) L'empereur
Tous les empereurs, ainsi que les usurpateurs, moururent de mort violente, soit
tués au combat (Trajan Dèce : 249-251), assassinés
ou encore contraints au suicide. Un seul est mort de la peste (Claude II le gothique, 268-270).
Cela annonce un déclin de l'autorité de 'empereur. Au début de
l'empire, l'avènement d'un empereur est le fruit d'une volonté commune du Sénat, de
l'armée et du peuple. Chaque corps social y va de son acclamation. Mais à partir de Maximin le thrace (235-238), ce
n'est plus un princeps,
encore moins un dominus :
il n'y a plus d'hérédité dynastique, et désormais c'est l'armée qui donne à
l'empereur le pouvoir absolu en le proclamant imperator. C'est l'armée qui décide de le conserver ou de lui retirer cette
autorité.
Finalement l'autorité de l'empereur s'effrite et
s'émiette par ces changements successifs et simultanés. Cette situation crée
l'instabilité politique et le renforcement des pouvoirs de l'armée.
B/ Les renforcements des pouvoirs de l'armée
1) L'armée qui fait et défait les empereurs
C'est une des causes, et un aspect, de l'instabilité. On peut chercher dans
l'armée l'ambition des préfets du prétoire ou bien celle des généraux : Maximin le Thrace (235-238) fut préfet du prétoire sous Sévère Alexandre
et Philippe l'Arabe (244-249)
était le préfet du prétoire de Gordien III. Mais surtout il faut évoquer les
généraux, le dux de
Mésie Trébonien Galle (251-253),
Emilien en 253, Valérien toujours en 253, Postumus (260-269) général en
Gaule porté par l'armée du Rhin, Carus en 282-283.
Les règnes des empereurs sont courts sauf pour Gallien (253-268). Tous ces
règnes finissent tragiquement, la plus part sont tués par leurs officiers ou leurs
soldats. Les empereurs le deviennent presque tous soit par le sentiment du devoir, soit le
plus souvent par nécessité, forcés par les soldats.
L'armée exerce ainsi une véritable dictature
consacrant la formule : " l'armée fait et défait les empereurs ".
2) Les motivations de l'armée
a. Egoïsme de caste
Par égoïsme de caste, certaines légions agissent ainsi pour obtenir des
avantages : les donativa. C'est le cas de Probus qui a voulu instaurer une discipline plus rigoureuse dans l'armée ; il
est victime d'une mutinerie.
b. Le patriotisme
Trajan Dèce en 249 est proclamé empereur malgré lui parce que
ces succès militaires contre les Carpes inspiraient confiance.
c. L'amour propre
C'est l'influence du
particularisme régional et l'esprit de compétitions entre les légions avec leurs
candidats consécutifs, ce qui entraîne des épidémies d'usurpations (248,
252-3, 258-60, 280-1).
Le grave danger : ces
usurpations se produisent aux frontières, sur les limes du Rhin et du Danube en particulier. Les légions se battent entre elles pour imposer leur
candidat alors que le péril barbare est quant à lui constant.
L'indiscipline et les rivalités multiplient les
usurpations et l'instabilité générale.
C/ Chronologie rapide
238 | La guerre civile prend naissance en Afrique, à Thysdrus. La IIIe légion Auguste est dissoute. |
235-249 | C'est la montée des périls : on contient les barbares en payant un tribut aux barbares. Gordien III avec les Carpes, Sarmate, Goths, et Philippe l'Arabe aux Goths et Perses. |
21-23 avril 248 | On célèbre les fêtes fastueuses du millénaire : Roma Aeterna. Avec la célébration de jeux splendides pour marquer la félicité des temps : temporum felicitas. C'est le gaspillage des derniers sous qui voit l'impossibilité de verser tribut aux Goths |
249-254 | C'est la première grande alerte. On voit l'alliance des Carpes et des Goths. Avec une compétition entre l'armée d'Orient et l'armée du Danube. |
Fin 249 | Il faut ajouter les persécutions contres les chrétiens à Rome et dans l'empire lancées par Trajan Dèce, responsables des invasions barbares |
250/251 | Toutes les provinces au sud du Danube, sont soumises aux invasions des Goths |
253 (88 jours) | Usurpation en d'Emilien, avec des difficultés économiques, catastrophes naturelles et la peste qui se déclare. L'absence de politique durable enfonce l'empire dans la crise |
253-258 | Règne conjoint de Valérien et Gallien : le sommet de la crise |
253 | On reconstitue la III légion pour faire face à l'insurrection Maures |
254 | La Gaule est envahie par les Alamans / les Perses s'installent en Mésopotamie : prise de Carrhae |
253-254 + 256 | Les Goths attaquent les Balkans et l'Asie Mineure |
256 | Prise d'Antioche ? |
258-261 | C'est l'apothéose de la crise, avec la conjonction des attaques germaniques et Perses. |
258 | Effondrement du limes danubien sous les coups des Goths, Quades et Sarmates |
259-260 | Capture de Valérien par les Perses // Perte de la Mésopotamie |
260-261 | Tous les barbares en profitent : Saxons, Francs en Gaule Septentrionale, Alamans en Rhétie, Blemmyes en Egypte et les Perses. Zosime 1,37,1 : " tout l'Empire romain était ruiné au point que rien ne subsistait ". |
260 | Victoire de Milan de Gallien qui permet de sauver l'Italie. Gallien fait frapper des séries monétaires sur le salut de l'Italie |
260 | Sécession d'Odenath à Palmyre |
Juillet 260 | En Gaule, c'est Postumus qui fait sécession et crée un empire gaulois. Son souci est de défendre les Gaules : il est profondément romain. Après ses victoires, il est proclamé Restitor Galliarum |
267-274 | 3e alerte avec l'attaque des Goths dans les Balkans jusqu'à Athènes et Corinthe. Néanmoins, la victoire de Gallien à Nish arrête leur progression en 267. De même Claude II en 269 les étrille sévèrement en Thrace. La défense est alors assuré par L. Domitius Aurelianus proclamé empereur par ses troupes. Pour faire face aux Goths, il évacue la Dacie et les Champs Décumates. Mais il récupère le royaume de Palmyre en 273, et l'empire gaulois en 273-4, avec la reddition de Tetricus. Il se fait alors appeler Restitutor Orbis. |
276-284 | 4e grande alerte. Aurélien est assassiné en 275 alors qu'il projète une campagne contre les Perses. Les règnes de Tacite et Florianus après et finalement Probus (276-282). Le divin Probus a passé son règne à défendre les quatre coins de l'empire. La Gaule fut alors particulièrement touchée avec les provinces du Rhin. |
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1999-0
Grands Mercis au professeur