CHAP 6... La citoyenneté dans la cité grecque classique
La cité grecque est avant tout une communauté de citoyen. La définition de la citoyenneté est posée par Aristote dans La Politique : Qui est citoyen et qu'est ce qu'être citoyen ? Ce qui renvoie au critère et à l'activité de citoyen.
I] Le privilège de la citoyenneté
1) Citoyens et non-citoyens
Entre la communauté civique et la population
totale d'une cité, on constate presque toujours que la première est toujours plus grande
que la seconde. Cela s'explique par un fait de société propre à l'antiquité : la
population est divisée entre libres et non libres.
Les non libres sont essentiellement les esclaves, par nature exclus de la
citoyenneté. Les hommes libres, déjà moins nombreux se divisent eux-mêmes en plusieurs
catégories : les citoyens, les étrangers résidents, les esclaves affranchis.
Le nombre des esclaves ou des métèques est d'autant plus importants que la cité est ouverte sur l'extérieur.
C'est le cas d'Athènes, très
dynamique est populeuse en esclave, mais aussi pour des cités oligarchiques comme Corinthe. Certaines cités oligarchiques peu
nombreuses comme Sparte comporte
un petit nombre d'étrangers résidants.
Pour les
chiffres, on ne peut parler que d'Athènes au Ve
siècle, juste avant la guerre du Péloponnèse, et à la fin du IVe siècle,
qui marque une période de déclin.
En 431, Athènes comportant environ 35 000 citoyens, les étrangers résidants étant de
50 000, le nombre d'esclaves reste inconnu. Ces chiffres ne concernent que les hommes, en
extrapolant, on peut estimer à 150 000 individus la famille des citoyens. Pour les
étrangers résidants on trouve 220 000 personnes.
A la fin du
IVe siècle, dans une
situation de crise, quand Athènes est tombée sous le joug macédonien, un recensement
aurait été fait vers 320 faisant apparaître un chiffre de 21 000 citoyens
(92 000 personnes) et seulement 10 000 étrangers résidants (45 000 personnes). Le nombre
total d'esclaves serait de 420 000 personnes. On obtient une communauté totale de plus
d'un demi million d'habitant. On constate qu'un individu sur 25 est citoyen seulement.
2) Limitation du
nombre des citoyens
a. Une communauté restreinte.
Ces disproportions s'expliquent par une idéologie
: la citoyenneté pour les Grecs est un honneur, un timè.
De plus, le fait d'être citoyen entraîne des avantages et des droits qu'il est important
de conserver.
On a souvent réduit le nombre des
citoyens, ce qui justifie la présentation de la cité par Aristote comme une communauté restreinte. Cela pour un bon fonctionnement des
institutions. La citoyenneté apparaît surtout comme un privilège dans les cités
oligarchiques. Même dans les cités importantes, le nombre des citoyens restent faible.
Ainsi, à Thèbes, principale
ville de la Béotie, on compte 3
000 citoyens.
b. Le numerus clausus
C'est un terme
latin juridique : le nombre fermé. Certaines cités oligarchiques prévoient un nombre
maximum de citoyens. En règle générale, on prend un chiffre rond : 1 000. Notamment en Asie Mineure et en Sicile. Parfois même, il est inférieur à 1
000 : Marseille (600).
A Athènes,
au cours d'une révolution oligarchique de 411, un projet a été impose
pour fixé le nombre des citoyens à 5 000.
c. Variation de l'importance de la cité
Les
élargissements sont toujours possibles, ce qui permet de passer d'une oligarchie extrême
à une oligarchie modérée. Un exemple très célèbre : Au IVe siècle, la constitution de Cyrène a été modifiée par
l'élargissement de 1 000 à 10 000 citoyens.
Ces
chiffres ont une valeur relative. Ainsi les 600 citoyens de Marseille sont une infime minorité, mais il correspond en fait à un
élargissement du corps civique, à l'origine composé d'un tout petit nombre d'individus.
3) Limitation des droits civiques
a. Citoyenneté suspendue ou supprimée
Il ne suffit
pas d'être citoyen, encore faut-il exercer tout les droits afférents, notamment
politique (droit de vote) et le droit d'exercer une charge. Dans une démocratie, tous les
citoyens ont automatiquement tous les droits politiques. Mais ils peuvent se les faire
suspendre provisoirement ou définitivement. La suspension est provisoire quand le citoyen
est sous le coup d'une accusation ; ce jusqu'à la fin du procès. Aussi par la procédure
de l'ostracisme.
La
suspension peut devenir définitive en cas de délit très grave qui aboutit à la perte
de la citoyenneté : l'atimie. Cette dégradation civique consiste en la perte des droits politiques
accompagné de l'interdiction de se présenter à l'Agora.
b. Demi citoyenneté
Dans d'autres
cités non démocratiques, il existe des citoyennetés naturellement restreintes. Cela
pour différentes raisons qui peuvent appartenir à l'âge (Sparte : on est citoyen de pleins droits à partir de 30 ans ; la majorité est
à 20 ans).
Elle peut
aussi s'appliquer à une catégorie de la population : les périèques à Sparte. Ce
sont d'anciens habitants du territoire, soumis par les spartiates, mais libres et
autonomes. Ils n'ont cependant pas de droits politiques et sont des agriculteurs.
II] Citoyenneté et droit du sang
1) Un privilège d'homme
Les citoyens sont exclusivement des hommes parvenus
à l'âge de la majorité politique, fixé à Athènes à 18 ans. Mais le jeune athénien n'exercent pleinement ses droits qu'à
20 ans.
Ainsi, les
plus jeunes ne sont que de futurs citoyens. Quand il atteint sa majorité, il est
présenté officiellement à la communauté dans le cadre de son dème. Une cérémonie qui fait intervenir le
père et les autres citoyens qui doivent attester sur l'honneur que le jeune homme est
bien fils légitime de citoyen. Le nouveau citoyen est ensuite inscrit dans son dème et
porte son titre de citoyen : le démotique. C'est un adjectif tiré du nom du dème qui atteste l'appartenance à la
communauté des citoyens.
2) Les femmes
Les femmes ne
peuvent prétendre au titre de citoyen, puisqu'elles ne participent pas à la vie
politique. On les appelle donc citadine, astè.
Dans la pratique, de façon non officielle, elles peuvent être appelées citoyennes, par
le rôle qu'elle joue dans la transmission de la citoyenneté.
En effet, l'un des droits civils du
citoyen, l'épigamie, lui permet de
contracter un mariage légitime avec une femme issue de la communauté civique (fille de
citoyen). Et c'est parce qu'on épouse une telle femme qu'on peut être citoyen.
2) L'ascendance du citoyen
a. Citoyen issu de deux parents citoyens
Il suffit
d'avoir un père et une mère citoyens. Aristote emploie le terme de citadin : il rappelle que les femmes n'ont pas le
titre de citoyens. Cet usage est appliqué à Athènes tardivement, au Ve siècle. En 451/0, est voté à l'instigation de Périclès un décret qui impose cette
règle. Ce décret aurait été proposé dans le but de limiter les bénéficiaires des
distributions gratuites de blé. Il fut ensuite suspendu pendant la guerre du Péloponnèse, beaucoup de citoyens
étant morts au combat, il fallait alors élargir les critères de citoyens.
Une fois la
guerre du Péloponnèse terminée, le décret est remis en vigueur et appliqué.
b. Le citoyen a des aïeux citoyens
On exige que
soit prouvé la citoyenneté des grands-parents voir des arrière-grands-parents dans
certaines cités comme à Marseille.
A Athènes, il fallait avoir des grands-parents
citoyens pour être candidats aux principales charges. Les candidats à la fonction d'archonte doivent répondre à un
questionnaire qui porte sur leur identité, sur celle de leur parent et de leur grands
parents.
c. Le citoyen a un de ses parents citoyen.
C'est la
situation d'Athènes avant Périclès et pendant la guerre du Péloponnèse. Ce système suggère
la possibilité de mariages mixtes, entre personnes de statuts différents, sans que cela
entraîne de déchéance pour le conjoint au statut supérieur. Dans certaines
démocratie, Aristote
nous précise qu'il suffit d'avoir une mère citoyenne pour être citoyen, mais il s'agit
là d'un cas exceptionnel et peu répandu.
Ce système
généreux permet l'intégration d'étrangers résidants et éventuellement d'individus
d'extraction servile. C'est pour éviter ce risque qu'on révise fréquemment les listes
de citoyens.
Dès 445,
on procède à une première révision aboutissant à l'exclusion de milliers de citoyens.
Cela implique que l'application du décret de Périclès à un effet rétroactif (perte subite de la citoyenneté). Tout au long
du IVe siècle, on a de
nombreux exemples de révisions de listes, avec de nombreux procès.
3) Bâtards et
mariages mixtes
Le fait d'être bâtard est une tare de naissance,
et peut entraîner le retrait de la citoyenneté. Mais avec la rétroaction, on peut aussi
le devenir.
a. Etre et devenir bâtard
D'après Aristote, plutôt conservateur, accorder la citoyenneté à un individu qui
n'aurait qu'un parent citoyen ne peut être qu'une solution temporaire, en cas de manque
de citoyen. Quand la situation démographique s'est rétabli, on doit revenir à la règle
traditionnelle, qui peut avoir un effet rétroactif, transformant un citoyen en bâtard.
La définition du bâtard varie beaucoup suivant les cités et les époques. L'être
n'entraîne pas la destitution obligatoire de la citoyenneté
D'une règle générale, il n'est pas le fruit d'une relation adultérine
comme de nos jours : on jetait alors l'enfant ! Avant le décret de Périclès, est considéré comme bâtard
exclus de la citoyenneté, un enfant issu d'un citoyen et d'une concubine, athénienne ou
étrangère. Considéré comme bâtard mais citoyen, l'enfant d'un père citoyen et d'un
épouse non grecque. C'est le cas de Thémistocle, bâtard ; à ce titre il utilisait le gymnase réservé aux
bâtards
A partir de 451, sont exclus de la citoyenneté les enfants
d'un citoyen et d'une non-athénienne. Quand ils se présentaient à leur dème, ils étaient rejeté de la
citoyenneté.
Cette restriction drastique eut un effet pour Périclès : ses deux enfants légitimes étant mort, il ne lui restait qu'un enfant
issu de ses relations avec une concubine étrangère (Aspasie). Son fils était alors doublement bâtard : concubine + étrangère.
A partir de 403, le rétablissement du décret de Périclès
sans principe rétroactif, se traduit par l'interdiction du mariage entre un athénien et
un étranger ou avec une athénienne et une étrangère.
b. Pression sociale et appareil judiciaire
La finalité de ce décret est présenter comme une limitation des
distributions de blés. Mais il est possible aussi qu'il ait visé à déstabiliser
l'aristocratie qui cherchait des relations à l'extérieur ; et donc pratiquait des
mariages avec étrangères. Beaucoup d'hommes politiques avait été des fils
d'étrangère (Clisthène).
Aussi, il permettait aux athéniennes pauvres (ou pas belles !) de trouver un mari.
Pour éviter les contrevenants, on prévoit des sanctions. Un athénien
voulant épouser une étrangère doit payer une forte amende, un étranger voulant
épouser une athénienne et mis en esclavage. Un athénien qui donne une étrangère en
mariage à un autre athénien en la faisant passer pour sa fille est frappée d'atimie ! La complexité du système
juridique qui prévoit toutes les possibilités témoigne de la fréquence de la pratique
La mise en place d'un tel appareil répressif est justifié, les fraudes
étant nombreuses. Pour permettre à son fils né d'une étrangère de s'inscrire comme
citoyen, un père pouvait tenter de faire passer une épouse étrangère pour épouse
athénienne, en "corruptionnant" le dème.
III] Citoyenneté et catégories socio-professionnelles
1) Citoyens et propriétaires
a. Le droit de propriété, privilège du citoyen
C'est un droit civil du citoyen que
les propriétés civiles et immobilières. C'est l'enktesis.
On peut noter qu'à Sparte, les femmes filles de
citoyens, ont ce droit de propriété, notamment lorsqu'elle se trouve dans la situation
d'unique héritière (épiclère). A Athènes, l'épiclère est obligée de se marier avec le plus
proche parent (hors de l'inceste).
Dans ces sociétés anciennes, la possession d'un lot de terre, entraîne le
prestige. A Sparte, les semblables
disposent chacun d'un lot de terre. Si pour une raison ou une autre il le perd, il est
exclus du corps des semblables pour devenir un inférieur.
b. La citoyenneté, privilège du propriétaire
C'est le cas de Thèbes en Béotie. A
Athènes même, à la fin de la guerre
du Péloponnèse, un certain Phormisios proposa de
limiter le corps civique aux seuls propriétaires fonciers. Il ne fut pas voté,
entraînant l'exclusion de 5 000 citoyens.
2) Les professions
déshonorantes
Les Grecs voyaient d'un mauvais il les pratiques
enrichissantes : commerce, artisanat, paysans pauvres. L'idéal pour l'élite grecque,
c'est de consacrer tout son temps aux affaires de la cité.
Dans la constitution de Cyrène, l'exercice des
professions jugées déshonorantes entraîne la destitution du citoyen. Parmi les cités
oligarchiques, seules Corinthe ne méprise pas trop les
artisans, en partie car sa richesse provient en partie de l'exportation de produit
manufacturés.
Il existe une seule cité qui ne rejète aucune catégorie professionnelle,
il s'agit d'Athènes. Ce qui explique les attaques nombreuses
de la démocratie athénienne par les oligarques.
Texte établi à partir d'un cours de faculté suivi en 1998-9
Grands Mercis au professeur