CHAP 4... Athènes, des origines à la fin de la tyrannie
Les Athéniens appartiennent à
la famille des Ioniens.
D'après la tradition, ils seraient autochtones, eux même à l'origine de la migration
ionienne qui aboutit à la colonisation de la façade égéenne de l'Asie Mineure. A
l'origine, le territoire de l'Attique comporte plusieurs entités autonomes, Athènes n'étant qu'une de ces entités. A un certain moment, l'Attique se serait
unifiée autour d'Athènes, devenue seule entité politique.
Ce
processus de regroupement, que l'on retrouve dans plusieurs cités grecques s'appelle un Syncisme. Il aurait été du à
l'instigation de Thésée,
personnage mythique. Dans l'archéologie, on voit émerger la cité d'Athènes vers 900
av J.C, les textes nous apporte la présence d'une vie politique bien après.
I] Le règne de l'aristocratie
1) Des rois aux archontes
Les premiers temps d'Athènes sont mal connus si ce
n'est par la tradition qui rapporte une succession de plusieurs rois, parmi lesquels Érechthée. Ces rois sont largement
mythiques.
Cette
période se termine avec un souverain qui aurait abandonné la royauté pour devenir Archonte, mais à vie. Une dizaine
d'archontes à vie sont ensuite remplacés par des archontes établis pour dix ans,
jusqu'à ce que la charge devienne annuelle en 682-1. C'est à la période
archaïque que cette charge devient aussi collégiale avec trois archontes au lieu d'un.
La notion
de royauté subsiste néanmoins, l'un des trois archontes portant le titre de roi (basileus). Celui-ci a des
prérogatives religieuses, gardien des traditions, mais aussi judiciaires : il intervient
notamment pour les affaires d'impiété.
Le pouvoir
politique revient à l'archonte éponyme. Le troisième est le chef de l'armée avec le titre de polémarque : le chef de guerre.
2) l'organisation de la communauté civique
Les Athéniens
étant des Ioniens, leur
communauté de citoyens est divisée en 4 tribus. Celles-ci divisée en 48 naucraries. Elles semblent être des unités fiscales. Elles ont à leur tête des
magistrats : les naucrares
(capitaine de vaisseau). Ce système des naucraries a pu être mis au point pour financer
la construction de navire. Dès le VIIe siècle avant J.C, les Athéniens s'engagent dans des combats navals. Quant aux 4
tribus, leurs fondements semblent être liés au sang. Elles sont le cadre du recrutement
des soldats : et donc quatre bataillons.
Les tribus sont également divisées en phratrie. Elles sont des sortes de confréries religieuses, elles aussi fondées
sur les liens du sang. Elles subsistent à l'époque classique, où le nouveau citoyen
doit être inscrit dans une phratrie.
Cette Athènes est dominée par les aristocrates :
les Eupatrides. Ils
regroupent une soixante de clans aristocratiques ; ils se reconnaissent chacun dans un
ancêtre commun, souvent un héros. A l'origine, seul ces aristocrates pouvaient obtenir
la fonction d'archonte : l'archontat.
Cette toute
puissance des aristocrates aboutit à des conflits sociaux entre les biens nés et les
autres. Pour résoudre ce conflit, on fait appel à deux catégories de personnes, soit
des tyrans qui résolvent le problème par la force, soit des législateurs qui règle par
la force de la loi. Après une courte tentative de tyrannie d'un certain Cylon. En 620 on fait appel à
un législateur : Dracon.
3) La législation de Dracon
Il intervient
à l'époque ou apparaissent les premières lois écrites dans le monde grec. Auparavant,
les lois étaient orales, interprétées par les magistrats, des aristocrates. Pour mettre
fin aux abus, on pense qu'il faut écrire les lois sur un support pour qu'elles soient
connues et valables par et pour tous. Ce processus vise en partie à réduire le pouvoir
des aristocrates.
Dracon est connu surtout pour les lois qu'il
a transcrit concernant les crimes de sang. Cette législation était encore en vigueur à
l'époque classique ; elle fit l'objet d'une nouvelle transcription fin Ve siècle. La grande nouveauté : pour la
première fois on distingue entre le meurtre prémédité et le meurtre involontaire. Elle
devait se faire auparavant de manière occasionnelle ; désormais on met en place des
procédures spéciales. On cherche aussi à régler les affaires à l'amiable entre
meurtrier et famille.
Dracon est aussi l'auteur
d'autres lois, toutes abolies par la suite, considérée comme trop rigoureuses. Il
s'agissait de lois draconiennes.
II] Les réformes de Solon
C'est un personnage
substantiel ; il a laissé une uvre politique sous la forme poétique. Solon est considéré comme l'un des plus
grand sage de la Grèce. Ses lois ont été rédigées à l'origine sur des pancartes en
bois, en rouge sur fond blanc. Ces pancartes sont encore conservées à l'époque
classique.
Dans ses
poèmes politiques, Solon appelle le peuple à se réunir pour discuter des grands
problèmes de la société. Il s'impose comme homme de la situation en 591-593,
il est nommé archonte éponyme avec les pleins pouvoirs pour réformer l'Etat.
Il prend
différentes mesures, qui nous permettent de connaître les problèmes.
1) Les réformes agraires
Il s'agit de
résoudre des problèmes d'occupation du sol. Il semble que les aristocrates occupent la
plus grande partie des terres, sur lesquelles ils font travailler des paysans. Solon libère les terres de leur servitude,
en faisant enlever les bornes
qui les délimitaient. Il semble que ces bornes indiquaient que ces terres étaient d'une
manière ou d'une autre hypothéquée. C'est dans ce contexte qu'on nous parle de paysans hectémores. Ce sont des
fermiers obligés de verser un sixième de leur production au propriétaire. D'après la
source essentielle : Aristote avec l'athenaion politeia, ceux qui ne pouvait s'acquitter de ce loyer pouvaient être réduits en
esclavage, de même pour les débiteurs insolvables.
Solon
réagit de manière radicale en supprimant l'esclavage pour dette. D'autre part, en
faisant enlever les bornes, il permet aux paysans de demeurer sur les terres qu'ils
travaillaient, sans avoir à verser de loyer ; il leur permet ainsi de devenir de
véritables propriétaires.
C'est un
coup dur pour les aristocrates, cette réforme agraire va donc avoir des conséquences
politiques.
2) Les réformes politiques
a. les classes censitaires
Solon a réussi
à éviter un grave conflit social en pénalisant les aristocrates. A-t-il voulu favoriser
le petit peuple ? En fait, il a pris acte que depuis quelques temps, des athéniens
profitant de l'expansion économique de la cité se sont enrichis sans être des
aristocrates. Ceux-ci souhaitaient tout naturellement participer à la vie politique dont
ils étaient exclus du fait de leur naissance.
Solon
remplace, pour l'exercice des charges publiques, la naissance par la fortune. C'est dans
cette perspective qu'il partage les citoyens en 4 classes censitaires en fonction des
revenus de chacun. Comment les évaluer ? La fortune se mesurait par les revenus
agricoles. On prend pour base une mesure de blé : le médimne (51 litres de blé). Tous les Athéniens n'avaient pas de revenus
agricoles, pour ceux-là, on établit une équivalence fictive entre une mesure de blé et
une mesure d'huile : le metrete (39l).
Les classes
censitaires vont subsister pendant toute l'époque classique :
Les revenus
d'au moins 500 médimnes : les pentacosiomédimes.
Entre
300-500 médimnes : les cavaliers.
Entre
200-300 médimnes : les zeugites.
Moins de
200 médimnes, les plus nombreux : Thètes.
On constate
dans ce classement que l'estimation des richesses se fait suivant les revenus de l'année
et non suivant le capital. Seul les pentacosiomédimnes pouvaient être archontes ; il semble qu'à la suite on leur ait adjoint les cavaliers. Quant aux thètes, ils pouvaient participer à
l'assemblée, l'ecclésia,
ainsi que bénéficier du tribunal populaire : l'Héliée.
La
modification des critères d'accès aux charges est une nouvelle donne politique, donnant
plus de pouvoir aux forces vives de la cité.
b. les pouvoirs du peuple
Solon donne au peuple le pouvoir de s'exprimer dans le cadre des institutions,
sans lui donner trop de souveraineté. Il aurait donner un cadre plus formel aux réunions
de l'assemblée en définissant une périodicité. Pour éviter que le peuple ne prenne
des décisions inconsidérées, Solon crée le Conseil des
Quatre Cent, chargé de discuter les propositions faites
par le peuple. Ce conseil aurait aussi eu pour finalité de balancer l'influence d'un
autre conseil : l'aréopage.
L'aréopage
est un conseil formé des anciens archontes de composition un peu trop aristocratique.
Solon favorise le peuple sur le plan judiciaire en instituant un droit d'appel
à la suite d'un jugement considéré comme inique. On peut contester le jugement d'un
magistrat et faire appel devant une instance crée par Solon : l'Héliée.
Pour un bilan de l'uvre de Solon :
Il faut
s'interroger sur les buts : établir la concorde entre les puissants et les faibles. Dans
ses poèmes politiques, il déclare avoir accordé au peuple tous les privilèges auxquels
il pouvait prétendre, tout en manifestant des réticences quant aux débordements de la
foule.
Il se
glorifie d'avoir évité que les puissants ne soient malmenés par une révolution, donc
d'éviter une tyrannie. Il reste un médiateur choisi par les deux parties : les
aristocrates et le peuple.
III] L'avènement de la tyrannie de Pisistrate
A Athènes, le contexte est
désormais fait de tensions politiques. Pendant les années qui suivent l'archontat de Solon, Athènes semble avoir été composée de luttes de factions ; pendant certaines
années, la cité n'a pas eu d'archontes éponymes, les élections étant fortement contestées. Ces années sans archontes
sont appelées Anarchia.
On n'entend
parler à nouveau de la vie athénienne que vers 560, quand les luttes de
factions dégénèrent en guerre civile. On voit apparaître trois factions, qui se
déchirent pour des raisons politiques et des intérêts locaux. Ces trois factions sont
distinguées par leur géographie : les gens de la plaine, les gens de la côte, et ceux des collines (dirigés par Pisistrate).
Les gens de
la côte seraient partisans d'un régime modéré, ceux de la plaine favorable à une
oligarchie, et ceux de la colline représente une masse populaire à la recherche d'un
chef qui défende leurs intérêts.
1) La prise de pouvoir
Pisistrate a connu plusieurs fois l'exil avant de s'établir de façon décisive et
d'établir une dynastie.
La
première prise de pouvoir se fait à la suite d'une supercherie, comme celles qui
suivront d'ailleurs. Ce qui est original, c'est qu'il s'est imposé par la ruse plus que
par la force.
Vers 560,
Pisistrate, se présente à l'Agora, couvert de blessures qu'il se serait faite à lui-même en prétendant
avoir été attaqué par ses rivaux. Il apitoie les citoyens et leur demande de lui
fournir une garde personnelle qui sera composée de Doryphores. Ce ne sont pas des soldats, mais des portes massues !. C'est avec l'aide
de ceux-ci qu'il s'empare de l'acropole.
A la suite
de plusieurs exils et de prises de pouvoir, il s'installe définitivement jusqu'à sa mort
en 528-7. La tyrannie de Pisistrate malgré son caractère épisodique est considéré par les Athéniens
comme une période de prospérité. Les sources le présentent comme un bon tyran.
2) Le nouvel age d'or
a. une tyrannie démocratique
La tyrannie de Pisistrate est relativement modérée.
Pisistrate, aristocrate lui-même, a pris le pouvoir au nom du peuple et a lutté contre
les autres aristocrates. Il profite de leurs divisions et rencontre donc rarement une
solide opposition. En cas de réelle hostilité, il recourt au bannissement ou à la prise
d'otage. Mais il essaie de se concilier la plus part des nobles, en les nommant par
exemple à l'archontat.
Le tyran ne
modifie pas le système mis en place par Solon ; mais il favorise ses amis pour la nomination aux charges publiques. Le
conseil et l'assemblée existent toujours, mais les citoyens sont sous la protection
vigilante des doryphores.
Mais le
tyran favorisa le peuple et on dit de lui qu'il a eut une attitude démocratique. En
effet, il accomplissait des tours d'inspection dans l'Attique pour se rendre compte des conditions de vie des citoyens. C'est dans cet
esprit qu'il institue des juges itinérants : évite au petit paysan d'avoir à se rendre
à Athènes, réduit le pouvoir
local de l'aristocratie.
b. prospérité économique
Le tyran
institue une taxe sur les revenus de 5%, qui permet de financer les guerres, d'embellir la
cité, et de célébrer des sacrifices. La taxe porte essentiellement sur l'agriculture,
mais aussi sur les droits de douanes perçus au port d'Athènes.
C'est à
l'époque de Pisistrate que la
céramique attique s'exporte largement, détrônant la céramique corinthienne. De même,
se développe l'exportation de l'huile d'olive. Le renom de cette huile d'excellente
qualité est attestée par des amphores dite panathenaïques, donnée comme récompenses aux concours
des Panathénées.
3) Athènes, centre religieux et centre urbain
a. Les fêtes religieuses
Pisistrate
organise ou réorganise des fêtes religieuses, civiques. En effet, le tyran a contribué
au développement du culte d'Athéna à Athènes. La déesse était déjà honorée par la fête des Panathénées, fête réorganisée par
le tyran qui distingue maintenant entre des Panathénées chaque année, et des Grandes Panathénées tous les quatre
ans. C'est de cette époque que date les premières panathénaïques, rempli de l'huile sacrée de Athéna.
Il instaure
aussi les Grandes Dyonisie,
occasion de produire des pièces dramatiques pour Dionysos. Les premières pièces antiques sont créées à cette occasion.
b. le centre urbain
Il va aménager
l'Agora. C'est sous Pisistrate qu'elle devient le centre civique
d'Athènes. Il fait construire une fontaine monumentale : la fontaine aux neufs bouches (enneakrounos). L'alimentation des
villes en eau douce est un souci des tyrans qui fournissent d'importants travaux à cet
effet. On peut citer l'uvre de Polycrate de Samos.
Le premier
bâtiment civique sur l'Agora date de cette époque. Il s'agit du portique royal, qui, est
le siège de l'archonte roi.
Pour un bilan de cette uvre :
Une grande
diplomatie, notamment à Athènes, où il évite un soulèvement des aristocrates tout en
favorisant les paysans et les artisans. Par ces travaux et par la promotion des cultes
civiques, il contribua à renforcer la collectivité athénienne en la soudant autour de
cultes communs.
C'est pour
toutes ces raisons que la tyrannie fut communiquée à ses fils.
A sa mort, Pisistrate laisse le pouvoir à ses deux fils
: Hippias et Hipparque. Ces deux frères exercent la
tyrannie conjointement et continue la politique de leur père face aux aristocrates.
1) Les constructions à Athènes
Il s'agit de
constructions religieuses et civiles. Ils entreprennent notamment l'immense chantier de Zeus Olympien, non loin de l'Acropole. Il
s'agit d'un temple immense, le plus grand de la Grèce propre. Il est à peu près
certains que les pisistratides ont voulu rivaliser avec les temples gigantesques de l'Asie
Mineure : Héra à Samos, Artémis à Ephèse. Le
projet est tellement démesuré qu'il n'est achevé que 650 ans plus tard, sous l'empire
romain avec Hadrien.
Le réseau
des routes en Attique est amélioré, et le petit-fils de Pisistrate, Pisistrate le Jeune, élève au nord de
l'Agora un autel des douze dieux. C'est à partir de cet autel qu'on compte les distances
en Attique.
2) La crise politique intérieure
A la fin de
leur règne, certains aristocrates commencent à contester leur pouvoir. Certaines
familles comme les Alcméonides sont exilées, ce qui n'empêchent pas la naissance d'une conspiration
vers 514 qui aboutit au meurtre d'Hipparque. Les deux meurtriers sont deux
Athéniens : Harmodios et Aristogiton. Ils ont voulu mettre fin à la
tyrannie, c'est pourquoi ils sont à la suite à l'origine d'un culte en tant que Tyrannoctone.
Cependant
il semble que leurs motivations ne sont pas politique, d'après Thucydide, il s'agit d'une banale
histoire amoureuse, les deux ayant été amants. Et Hipparque aurait fait des avances à Harmodios qui l'aurait éconduit. Hipparque
furieux d'être repoussé aurait été odieux à l'égard d'Harmodios, l'une des origines
de cette conspiration. Les deux amis réussissent à tuer Hipparque. Harmodios est
aussitôt mit à mort et Aristogiton succombe sous la torture.
La tyrannie
en tout cas devient beaucoup plus dure après cet assassinat. Hippias devient soupçonneux, met à mort les athéniens qui ne lui inspirent pas
confiance, cherche des alliances à l'extérieur ce qui lui permet de recruter des
mercenaires. De peur d'un soulèvement du peuple, il aménage des casemates pour se réfugier en cas de
soulèvements populaires.
2) L'intervention de Sparte
Certains
aristocrates exilés font appel à Sparte pour renverser le tyran Hippias. Une première tentative de débarquement à Athènes à lieu en 511.
Mais ils sont repoussés par des cavaliers thessaliens.
Une seconde
expédition mieux préparée est envoyée en 510, dirigé par Cléomène de Sparte. Cette fois, les
thessaliens sont repoussés, Hippias avec sa famille doit se réfugier dans une casemate près de l'acropole. Finalement, il se rend et capitule. Au lieu de
l'exiler, on le laisse partir en exil.
La
naissance d'une cité est un phénomène complexe, de par la nature composite de la cité
grecque. On voit se mettre en place progressivement des institutions politiques :
magistratures, conseil, assemblée, mais la communauté des citoyens doit aussi être
soudée autour de cultes civiques : la cité est aussi une entité religieuse. La dynastie
des pisistratides a jouer un
rôle essentiel pour assurer la cohésion des citoyens.
Au début
de l'époque archaïque, Athènes
est dirigée par des rois, à la fin par des tyrans. En fait cet épisode de la tyrannie
ne remet pas en cause le régime de la Cité. On peut le considérer comme une oligarchie
modérée, un fragile équilibre politique installé entre les aristocrates et le peuple.
C'est le caractère instable de cet équilibre qui explique l'avènement de la tyrannie.
Par son
attitude favorable au peuple, le tyran bien inconsciemment assure la transition vers un
régime démocratique.