Apprendre les hiéroglyphes égyptiens
Dictionnaire des hiéroglyphes Ancien Egyptien
Hieroglyphs dictionay of Ancient Egyptian

CHAP 2... La colonisation grecque

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   C'est une sorte d'anachronisme que de parler ici de colonisation et de colonies, deux termes qui ne recouvrent pas les mêmes réalités dans l'antiquité et dans le monde moderne.
   Dans l'antiquité, fonder une colonie consiste pour une cité à fonder une autre cité en terre étrangère. Par rapport à la colonie, la cité fondatrice est qualifiée de
métropolis (cité mère), cependant la dite colonie est un état politiquement indépendant.
   Cette colonisation à l'époque archaïque date d'entre le VIIe et VIIIe siècle.

 

I] Les modalités de la fondation

         1) Les causes
   La plus évidente est la surpopulation, un concept ici relatif aux ressources assez maigres et non absolu. De ce fait, beaucoup de gens préféraient émigrer parce que leur niveau de vie était trop bas. Parfois cependant, c'est la cité elle-même qui décide de se débarrasser d'une partie de sa population pour des raisons économiques et parfois politiques aussi. Mais il ne faudrait pas croire que les émigrants aient toujours été des pauvres. On trouve aussi parmi eux des aristocrates à la recherche de l'aventure et de la fortune. La plus part du temps, il semble qu'on allait chercher de nouvelles terres. Beaucoup de colonies ont donc une vocation agricole ou la recherche de débouchés économiques.
   On sait que le commerce maritime était bien pratiqué en Grèce depuis le VIIIe siècle, quand commence la grande vague de colonisation. Ainsi, certaines colonies ont une fonction nettement agricole d'autre commerciale et d'autres une vocation double, à la fois commerciale et agricole.

         2) Les mesures préliminaires
a. La prise de décision
   La décision était parfois prise par un individu seul, parfois c'est une guerre civile qui entraîne le départ des vaincus, mais la plus part du temps il s'agit d'une décision collective. Cette décision se concrétise par le vote d'un décret, celui ci portant sur trois points :
           
La décision de fonder une colonie
            Le choix du fondateur (oïkiste)
            La désignation des colons.
            Les clauses relatives au statut des migrants et à leur relation avec la cité mère.

   Occasionnellement, les colons peuvent se lier par un serment accompagné de malédictions pour les contrevenants. Le fondateur était choisi parmi les familles nobles : le fondateur de Syracuse appartenait à la famille dirigeante de Corinthe, les Bacchiades.
   Quand une colonie fonde à son tour une colonie, la procédure normale et de faire appel à la métropolis pour en obtenir un fondateur.

b. La sanction divine
   Cette décision grave, qui met en péril l'existence d'une partie de la communauté implique une sanction divine. Avant de partir, il convient donc de faire appel à l'oracle d'Apollon à Delphes. Tous les récits de colonisation font état de cette consultation et mentionnent les réponses oraculaires, inventées plus tard, à posteriori.
   A partir du VIIIe siècle, le sanctuaire d'Apollon à Delphes devient panhellénique. Le Dieu semble s'être contenté de répondre par oui ou par non. Dans d'autres cas, le dieu donne des indications géographiques à ceux qui ne savaient pas où aller.
   La sanction divine est du car l'expédition a aussi un caractère religieux, la cité étant une communauté religieuse et les dieux de la cité voyagent avec les colons. De plus, dans le cadre de la colonisation, il s'agissait de s'approprier le territoire d'autrui, impliquant le risque d'extermination. C'est pourquoi on invente des mythes destinés à justifier cette prise de possession ; ils prouvent que depuis tout temps, ils avaient un droit sur la région.
   Quand l'expédition échoue, on prouve qu'il n'y avait pas eu de consultation ou bien que l'oracle avait été mal interprété.

c. Le choix des colons
   En général, il n'était pas difficile de trouver des volontaires. Mais on connaît des cas avec contraintes. Le nombre de colons envoyés par la première vague n'excédait pas une centaine de personnes et ne comprenait que des hommes. Une fois le premier colon installé, on expédiait de nouvelles vagues d'immigrants pour consolider la communauté.
   Dans une certaine mesure, on pouvait aussi faire appel aux indigènes, ce qui pose le problème des mariages mixtes. Les sources sont peu loquaces sur le sujet.

         3) Les étapes de la colonisation
a. Un transfert religieux
   Avant le départ, le fondateur doit célébrer un sacrifice pour vérifier que les présages sont favorables. On doit aussi prendre du feu du foyer de la cité, feu qui symbolise la vie de cité, pour le transférer au foyer de la colonie. De ce fait, on honorera les mêmes dieux dans la métropole et la colonie, ce qui crée une solidarité religieuse entre cité fondatrice et colonie.

b. Le choix du site
   L'expédition avait un caractère semi-militaire : on part sur des vaisseaux de guerre. On choisissait donc des sites proches de la mer, où des îles proches de la côte, l'essentiel étant de disposer d'une ressource en eau douce.
   La tradition veut que le fondateur entoure le site choisi d'une muraille. Beaucoup de colonies sont donc protégées par un rempart.

c. Habitat et lotissement
   Les maisons des premiers colons sont minuscules, ne comprenant qu'une seule pièce et qu'un seul étage, les sols sont en terre, les toits en chaume. Le fondateur devait lui-même assigner les différentes maisons et les différents lots cultivables selon un plan de parfaite égalité dans un premier temps.
   Les nécropoles sont installées à quelques distances par anticipation à l'accroissement.

d. Héroïsation du fondateur
   Le processus de colonisation n'est achevé qu'a la mort du fondateur, qui de son vivant à des pouvoirs quasi absolu. Il devient alors un héros, un demi dieu, dont le tombeau se situe sous l'Agora. Il s'instaure donc un véritable culte attesté pour le cas de la colonie de Cyrène.

 

II] Sicile et Grande Grèce  (V. carte)

   C'est la région la plus connue parmi toutes celles qui ont connu une colonisation. Le paysage et le climat rencontré ne devaient être trop dépaysant aux grecs qui n'eurent aucun problème pour s'y installer. Ils ont été impressionnés par les dimensions des plaines cultivables, par celles de la Sicile, alors plus grande île connue.

      1) La Sicile
a. Chalcis
   Les plus anciennes colonisations sont sur la côte Est de la Sicile. La plus ancienne est Naxos vers 757. Ce site ne semble pas avoir été bien choisi, c'est pourquoi le même fondateur s'installera à Léontinoi. La région y est très fertile, sur une colline bien arrosée habitée par des indigènes : les Sicules. D'après l'archéologie, ces indigènes ont continué à vivre dans la région ; les Grecs ont donc établi avec eux des relations diplomatiques. Cependant, les Grecs dotent leur cité d'une puissante enceinte début VIIe siècle. La colonie de Catane, près du Mont Etna, bénéficiait de la fertilité d'un sol volcanique.
   Avec ces trois colonies c'est toute la région de la plaine de Catane qui est occupée par Chalcis. La finalité est bien sur agricole.

b. Corinthe
   Vers 734, elle fonde Syracuse, en concurrence à Chalcis [La tradition veut que la même année ait été fondée la colonie de Corcyre en Grèce, étape pour aller en Sicile]. Son site est proche d'Ortygie, Elle peut supporter deux ports et contient une célèbre source d'eau douce : Aréthuse. D'après la tradition littéraire, les Grecs auraient chassé les Sicules et se seraient répandus dans toute la région.

      2) L'Italie du sud
a. Les plus anciennes fondations Pithécusses et Cumes.
   Ce sont les cités de l'île d'Eubée qui les premières se sont installées en Italie, précisément en Campanie.
   Pithécusses se situe dans une île, au large de l'actuelle Naples. Cumes se trouve sur la côte. L'histoire de ces deux sites est connue grâce aux fouilles archéologiques. La fondation de Pithécusses remonte à 770 et il semble que progressivement, la ville de Cumes (740) va éclipser Pithécusses. Toutes deux sont probablement fondées par Chalcis 
   La question est le choix de ces sites, dans la partie nord de l'Italie. Apparemment, ce serait la métallurgie du fer rendue possible grâce à l'exploitation des mines de l'île d'Elbe, détenus alors par les Etrusques. Elles étaient certainement destinées à être des comptoirs commerciaux et à servir de transit entre les produits de la mer Egée ou du Proche Orient, et l'Italie.

b. La Calabre
   Le premier intérêt des grecs fut le contrôle du détroit. Les Grecs installés en Sicile avaient tout intérêt à contrôler le détroit de Messine.
   Ici encore, ce sont des grecs de l'île d'Eubée qui joue le rôle décisif en créant la cité de Zancle puis celle de Rhégion (730), les plus anciennes cités grecques de Calabre. Leur territoire est assez peu fertile et l'importance est principalement stratégique.

c. Le golfe de Tarente
   Sybaris s'étend au milieu d'une large plaine alluviale habitée par des indigènes, apparemment détruit par les nouveaux arrivants Achéens.
   Crotone, grande rivale, est située sur un promontoire séparant deux bords qui offre une excellente protection pour les navires, moins bonne cependant que celle qu'offre Tarente.
   Le territoire de Tarente est moins fertile que celui de Sybaris. Il s'agit d'une des très rare fondation de Sparte, située comme Crotone sur un promontoire très facile à barrer en son extrémité. La cité bénéficie d'un territoire quasi insulaire étendu sur environ seize hectares.


   La rapide implantation des grecs dans l'ensemble de cette zone est formidable. En quelques décennies ont été occupées la Sicile orientale, le détroit de Messine, le golfe de Tarente et une partie de la Campanie.

 

III] De l'Hellespont au Pont

         1) L'Hellespont et le Bosphore : le contrôle des détroits
   Le courant qui vient du Pont-Euxin (Mer Noire) ne représente pas un obstacle pour le passage de la mer Egée à la Propontide, mer intérieure limitée par le Bosphore et l'Hellespont (Dardanelles). Elle se prête donc à la colonisation, d'autant plus qu'elle est proche du monde grec.
   Les cités les plus actives sont celles de Mégare et de Millet. Dès le début du VIIe siècle, Mégare s'implante dans le Bosphore avec Chalcédoine (687)et ensuite Byzance. Chalcédoine se trouve sur un site médiocre de la rive asiatique. Sans doute les mégariens ne se sentait pas assez forts pour s'installer dans un premier temps sur la partie européenne occupée par des thraces.
L'excellente position de
Byzance (660) lui permet de contrôler la Mer Noire. De plus, le territoire l'environnant est très fertile et les eaux alentours sont particulièrement poissonneuses.
   Pour compléter le dispositif, les mégariens ont aussi fonder des colonies sur la Propontide, mais ils subissent la concurrence de Millet. Les milésiens vont investir l'Hellespont et la partie ouest de la Propontide : Cyzique (676).

         2) Le pont
a. Une région riche mais difficile
   Les conditions qu'on rencontre dans cette région sont sensiblement différentes de celles que l'on rencontre dans la Propontide. Le climat, surtout en hiver, est beaucoup plus rigoureux que dans toutes les autres régions colonisées par les Grecs. Il est un peu plus doux sur la côte sud, mais il y a peu de sites favorables à l'implantation d'un port. Les régions les meilleures sont au nord et à l'ouest grâce à des estuaires fermés (liman) qui fournissent des bons ports, du poisson en abondance et permettent des communications faciles vers l'intérieur des terres.
   Seulement, les populations indigènes ne sont pas toujours favorables à l'implantation des grecs : les Thraces à l'Ouest, les Scythes au Nord
   A l'époque archaïque, la région est dominée par Millet. Les milésiens ont du s'entendre avec les fondations mégariennes de Chalcédoine et Byzance, et ont pu faire de la Mer Noire un lac milésiens. Les fondations principales sont : Istros (v.650), Olbia (646), Panticapée.
   Olbia, la prospère, a été fondée à la jonction de deux estuaires. Elle se trouve ainsi à un carrefour de voies de communications, à 40km de la pleine mer et 45km du départ des deux limans. La cité est répartie sur deux niveaux : une ville haute et une ville basse, dotées d'habitations sommaires à moitié enterrée pour se protéger du froid. Les toits sont en chaume et l'on a repéré des puits pour le stockage des céréales. Cette cité n'aurait pas pu exister sans relations amicales avec des groupes Scythes pour faire du commerce. De fait on a retrouvé des tombes scythes dans les environs de la cité. En remontant les fleuves, les Grecs vendaient leurs produits (vin, armes, produits de luxe, céramique).
   Par la suite, Olbia va se spécialiser dans l'exportation vers le monde grec du blé, de la morue, des esclaves, et des peaux. De fait, le commerce était la principale source de richesses de ces colonies de la mer noire, à tel point que Hérodote désigne ces fondations comme des comptoirs commerciaux (Emporia) et non comme des cités.

 

IV] L'extrême occident

         1) Le rôle de Phocée
   Les fondations d'Extrême Occident sont l'œuvre des Phocéens, qui entreprenaient de longs voyages et entretenaient de bons rapports avec les populations locales. Aristote lui-même avait fait le rapport entre la colonie de Massalia (Marseille) et l'activité commerciale des Phocéens, ces deux cités ayant un territoire agricole réduit.

a. Massalia et Emporion
   Massalia (600) est fondée sur une colline, à proximité d'un port naturel : le Lacydon. Le sol du territoire environnant était peu adapté à la culture du blé, beaucoup plus à celle de la vigne et de l'olivier. Elle s'affirme d'emblée comme un comptoir ; dès le Ve siècle, les produits grecs sont diffusés en Gaule. Parmi ces produits, les produits de luxe ont été retrouvés dans des tombes princières indigènes, notamment le vase de Vix, un cratère (mélange d'eau et de vin), le plus grand en bronze de l'époque archaïque. On trouve aussi des productions massaliotes sous forme de vaisselles ordinaires ou d'amphores à vin.
   Amporion, dont le nom veut dire comptoir commercial. Les Phocéens ont dut composer avec les indigènes, le site étant déjà habité. Comme les indigènes voulaient conserver une indépendance, les deux communautés ont vécu dans la même ville séparées par un mur transversal.

b. Tentatives d'installation en Corse
   Pour ce rendre dans ces lointaines colonies, les Phocéens remontaient la côte ouest de l'Italie, et pour s'assurer une escale, ils fondent vers 565, une colonie sur la côte ouest de la Corse : Alalia. La petite fondation s'accrut considérablement en 545, quand craignant les Perses qui envahissent l'Asie Mineure, la plus grande partie de Phocée décide de partir à Alalia. Pour survivre, ils se mirent à piller leurs voisins, suscitant une coalition des Etrusques et des Carthaginois. D'où la bataille d'Alalia en 540 qui s'achève par une relative victoire des grecs, mais désastreuse : la flotte phocéenne subit des dommages tellement importants qu'ils se résolurent d'abandonner la Corse pour se réfugier en Italie ou ils fondent Elée (540) choisissant un site élevé dominant la mer. Ils s'enrichissent rapidement grâce au commerce et à la pêche.

 

 

   Au cours de l'époque archaïque, les grecs se sont répandus sur les côtes de la Méditerranée et de la Mer Noire. A cette occasion, ils ont pu vaincre leurs éventuelles réticences devant des expéditions lointaines, des terres inconnues et parfois hostiles.
   L'émigration nécessaire a eu pour conséquence la fondation de nombreuses cités dont certaines comme Marseille, Syracuse, Olbia, furent bientôt plus prospères que beaucoup de cités de Grèce propre.
   Des contact parfois fructueux ont été noués avec des populations indigènes, notamment pour les colonies à vocation commerciale (Marseille, Olbia). Aussi parfois des interactions culturelles entre grecs et barbares.

Texte établi à partir d'un cours de faculté suivi en 1998-9
Grands Mercis au professeur

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