CHAP 12... L'Eglise du XIe et la réforme grégorienne
L'essor clunisien voit la
suprématie du pape et un pouvoir politique qui va entrer en conflit avec le pouvoir royal
et impérial. Il s'agit ici de voir l'évolution du monde religieux : le pouvoir laïc est
morcelé et s'exprime localement ; et quels sont les rapports avec les clercs.
Finalement on se demandera comment les institutions ecclésiastiques vont
évoluer vers la suprématie du pape.
I] L'Eglise et les laïques au tournant du millénaire
Un aspect fondamental à rappeler : le rapport ente les institutions ecclésiastiques et le pouvoir seigneurial. Leur rencontre se fait autour de trois volets et une question : un rapprochement toujours plus net est-il positif ? On commence à se demander si l'uniformité est une bonne chose ou s'il faudrait renforcer la spécificité des deux hommes.
A/ Seigneuries et Eglises
1) L'Eglise, une entité seigneuriale
L'essor seigneurial a tendance à déteindre sur le
profil du monde religieux de deux points de vue : une mainmise laïque sur l'Eglise
toujours plus forte (nomination des abbés, des évêques, etc.). Les seigneurs de Bellême vont gérer l'évêché
du Mans pendant un siècle.
On voit
ainsi la possibilité de l'Eglise d'apparaître elle-même comme une seigneurie, avec
l'essor de seigneuries ecclésiastiques foncières ou de bans, soutenue par le mouvement
de la Paix de Dieu, et des
vassaux d'Eglise. C'est ainsi que s'opère un double rapprochement dans un contexte de
seigneuralisation. L'Eglise devient une entité seigneuriale dominée par des laïcs ou
des clercs.
Ce
rapprochement diminue de fait le rôle des religieux dans la société, en le rapprochant
du monde laïc. On note alors une tendance à un morcellement des institutions
ecclésiastiques avec des paroisses peu contrôlées par l'évêque et des monastères
indépendants.
2) La réaction des clercs et laïques
On risque maintenant de glisser vers l'acceptation
d'une gestion seigneuriale des pouvoirs ecclésiastiques. Mais à la différence du monde
politique laïque, elle ne se généralise pas.
Du côté ecclésiastique, il existe des résistances culturelles, voir
idéologiques : la volonté d'affirmer la spécificité du monde religieux et sa
supériorité. De même des abbés de Cluny insistent sur la liturgie, la connaissance de la Bible.
Du côté
des laïcs on ressent le besoin d'une professionnalisation de la religion : on veut des
spécialistes qui prient pour les morts. Dans un monde avec des rapports politiques
changeants, L'Eglise pourrait permettre de maintenir un point ferme (donations aux
Eglises). Il faut donc insister sur la différence entre laïcs et religieux.
B/ Papes et empereurs Xe - XIe
1) D'une église romaine
La papauté qui autrefois n'avait pas de rôle moteur, mais
moral, est au début du Xe très romaine et peu pontificale. Ce sont toujours
les évêques de Rome qui
deviennent pape ; leur nomination est le résultat d'un rapport de force interne au monde
romain : deux familles se disputent la charge, les Crescezi et les Colonna.
Le prestige de la papauté dépend bien plus de la personne que de la fonction.
Cette papauté, on la voit contrôlée par des élites locales, et dotée d'un pouvoir
limité. l'Eglise de la chrétienté médiévale et morcelée, épiscopale et monastique.
Il n'existe pas de synodes nationaux. Chaque évêque et chaque province va de son coté.
2) vers une Eglise pontificale
Cette situation change avec l'empereur Othon ; les empereurs de Germanie vont devoir descendre à Rome pour se faire sacrer. De plus, le
pouvoir des Germaniques se fonde sur un réseau d'Eglises impériales. Les empereurs font
alors plus attention au choix du pape pour renforcer leur légitimité.
Il faut
alors restaurer la dignité de la charge pontificale. Le cas le plus éclatant est celui
de Gerbert D'Aurillac. C'est un
pape français, le premier à être choisi à l'extérieur du territoire de Rome. Il fit
sa carrière de moines à Bobbio,
puis archevêque de Reims, et
enfin de Ravenne. C'est un homme
politique est un grand intellectuel. Quand il est pape, il prend le nom de Sylvestre II. Il y a une apparente volonté
de renforcer la dignité pontificale, et il n'existe pas de distinction entre religion et
politique.
On remarque
alors une intervention du pape dans toute l'Europe : en faveur de Cluny. En 1046, on se trouve
dans une situation avec trois papes élus. C'est à ce moment là qu'on fixe de nouvelles
bases en élisant un quatrième pape, d'origine allemande.
C/ Spiritualité laïque et ecclésiastique au tournant du millénaire
1) Essor et limites de la christianisation
Il faut considérer dès à présent l'évolution
du sentiment religieux entre XIe et XIIe. D'abord, il faut tenir
compte d'un essor de la christianisation, aussi bien dans les marges qu'à l'intérieur.
Dans les marges, on voit la chrétienté atteindre en concurrence avec Byzance la Pologne et la Hongrie ;
Bulgarie et Serbie seront des terres orthodoxes. Une des
manifestations de cette religiosité est le foisonnement des cultes
des Saints, médiateurs entre la vie et la mort.
Mais le
sentiment religieux à une présence de plus en plus quotidienne aussi. On le recherche
pour sa capacité à représenter une alternative. Ors, dans la religion catholique, le
prestige passe par ses représentants. L'Eglise qui est considérée comme une force
seigneuriale et politique comme une autre ne répond plus à cette attente. Les fidèles
leurs reproches deux critiques :
Le nicolaïsme : mariage ou concubinage des
prêtres
La simonie : le trafic des choses religieuses.
On remarque
une distance toujours plus grande entre les aspirations des laïcs pour une église de
l'évangile et la seigneurialisation de l'Eglise. Cette différence va amener des
alternatives nouvelles.
2) Des alternatives nouvelles
Religieuses
: Pour la première fois en occident on voit apparaître des foyers d'hérésie, un peu
partout en Europe. Ce sont des hérésies intellectuelles et populaires. Elles ont deux
caractéristiques majeures : l'expression que la seule Eglise valable est celle des
apôtres, et le refus de la médiation des clercs.
Ces hérésies constituent une hérésie interne à la chrétienté.
Populaire
: dans un environnement urbain, se développe surtout dans le sud des mouvements
populaires : les patarins. Ils
conjuguent l'action sociale et l'action religieuse. On conteste les aspects de l'ordre des
archevêques et des seigneurs, ceci lié à la conscience d'une autonomie urbaine.
Ils relient
cette volonté à celle de l'intervention dans le monde religieux : ils refusent l'action
des prêtres et évêques considérés comme nicolaïque et simonique.
C'est le
signe d'un changement de mentalité dans la perception des laïcs : ils entendent être
actifs dans la religion. C'est une façon de mettre en doute le professionnalisme des
clercs. On en arrive à une confusion des réformes.
Spirituel
: Les moines répondent à une fonction spécifique ; ils ont le moins de rapport avec le
monde ; à partir de Cluny, on a
vu se développer des organisations ecclésiastiques bien autonomes. C'est à partir de
cette voie monastique, qu'on va trouver les attentes des laïcs. C'est à l'intérieur du
développement du monachisme que vont être établies les bases de la réforme.
II] Essor et renouveau du clergé régulier au XIe
A/ L'expansion du monachisme bénédictin
Cluny demeure comme une organisation
religieuse internationale autour de son abbé. Ce modèle est très centralisateur, avec
une hiérarchie : Cluny, ses
abbayes et ses prieuries. Cela va faciliter les principes d'autres congrégations.
Tous ces
mouvements suivent la règle bénédictine. Mais finalement, ce modèle va perdre de
l'ampleur : c'est une seigneurie politique qui entraîne ses moines dans le monde. Lui
accorder un rôle politique est indiscutable. Cela va entrer en contradiction avec la
volonté d'un retour aux sources ecclésiastiques.
C'est ainsi
qu'on voit la fondation de nouvelles congrégations, comme la fondation de Cîteaux et du monachisme
cistercien, plus proche de la demande des laïcs.
B/ La renaissance de l'érémitisme
L'érémitisme est depuis
longtemps une tradition importante, au début du monachisme, qui a toujours sa renommée.
Au cours du XIe, l'érémitisme est à nouveau proposé à tous les chrétiens.
Il va prendre pied en Italie : elle est proche du monde byzantin ou l'érémitisme est un fondement
culturel, et proche des grandes villes à grande concentration d'habitats.
Les
premières fondations sont celles d'aristocrates : Romuald de
Ravenne, membre du lignage des comtes de Ravenne, va fonder
l'établissement de Camaldoli
qui allie vie monastique et vie érémitique. Son exemple sera suivi par Jean Gualbert qui va fonder en Toscane l'ermitage de Vallombreuse. Etienne
de Muret fonde l'établissement de Grandmont, Robert
d'Arbrissel fonde Fonteurault (établissement mixte sous la direction d'une abbesse). Autant d'exemples
d'un renouveau de l'érémitisme.
Bruno de
Cologne, fonde en 1084, la Grande Chartreuse, établissement loin de
tout. Il se développe un ordre, celui des chartreuses.
Ces
diverses fondations mettent en évidence la fin de l'exclusivité du monachisme
bénédictin et clunisien. Ce renouveau ne compte pas seulement chez les clercs mais aussi
chez les laïques.
C/ Chanoines et collégiales
Les clercs séculiers mènent une
vie qui tend à oublier leur spiritualité religieuse. Il n'empêche qu'eux aussi sentent
le désir d'exprimer leurs besoins ascétiques. Cette tendance va s'accroître, par la
décision des clercs séculiers à vivre en communauté et la fondation de nouvelles
règles.
Les chapitres cathédraux vont suivre une règle religieuse. De plus en plus
ils vont adopter des règles de vie en communauté. On remarque alors l'essor des
collégiales : églises ou l'on choisit de vivre communément sous une règle.
III] Les premiers pas de la réforme
grégorienne
Hildebrand de Soane, est le pape de la réforme. Ses moyens institutionnels et religieux vont
se développer et amener à une concurrence militaire et politique.
A/ Les prémisses : la moralisation du clergé
A l'origine, la réforme
est morale à l'encontre du nicolaïsme et de la simonie. Elle se crée contre le clergé
marié concubinaire et contre le trafic des biens laïcs. Ce qu'il faut défendre est la
richesse ecclésiastique et la distinction qu'il doit exister entre clercs et laïques.
Ce besoin de réforme, interne, est rejoint par les autorités laïques qui
lui donne un centre, un pôle. Ce centre sera Rome, autour du pape. Cette première arrivée de la réforme à Rome se fait sous l'impulsion des empereurs
germaniques.
B/ Papes et empereurs : implantation romaine
Il existe un lien très
fort entre la volonté de réforme impériale et pontificale : les problèmes qui sont sur
le tapis ne concerne que la morale religieuse, d'où le rôle de l'empereur.
L'installation de Clément II s'effectue par l'empire germanique. Le plus important fut Léon IX (1049-54).
Au milieu
du XIe, à Rome, le parti réformateur est impérial,
constitué d'un centre Lorrain. Cet appui éloigne toute influence romaine.
Une
conséquence pour l'Eglise : la réunion de conciles d'évêques au cours desquels on
dépose des ecclésiastiques considérés comme nicolaïsme ou simonique. Il n'y a rien de
politique au début, mais cette réforme morale s'étend à l'ensemble des liens entre les
clercs et les laïques.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 25/04/99