CHAP 12... Mentalités et cultures en France.
Il faut comprendre "cultures" au sens large : il s'agit des visions du monde des idées, de l'art, des lettres, mais aussi les formes matérielles. Il faut y inclure les rituels de la vie collective, révélateurs des mentalités.
1) La vie matérielle.
Le monde est essentiellement oral, ce qui laisse peu de
traces. C'est le monde de la précarité. La maison porte des noms différents : le manse, la masure, le meix, le
mas. Tous ont la même valeur : le lieu ou l'on demeure. L'idéal reste la grande ferme du
bassin parisien avec de nombreux bâtiments : grenier, tas de fumier, puits. Mais il ne
concerne que les gros fermiers. La maison est rarement en pierre ou en briques. A la
campagne ce sont des maisons en torchis de terre, en bois, certaines sont couvertes avec des tuiles. Il y a encore des maisons troglodytiques (Anjou) et l'idée
de la cabane n'est pas
abandonnée.
Au XVIe,
on voit un progrès de la charpente qui permet les étages et l'apparition de la cheminée
qui remplace le brasero.
La pièce unique reste la généralité. Elle
est souvent distincte en deux : le coin cuisine et le coin à dormir. Tout cela manque de
confort. Mais il est possible que la pièce unique recul, principalement dans le bassin
parisien (au 17 : 15% des habitats).
L'idée essentielle est celle du confort. Au XVIe elle est absente. On imagine des pièces froides, des plafonds bas,
le sol est en terre battue, il y a promiscuité avec les animaux (des poules qui courent
et qui chient). Il y a peu de meubles, des tonneaux renversés. Il est possible qu'il y
ait peu de chaises et qu'on restait accroupie. On cuisine, on mange accroupie. Le seul
endroit intime est le lit clôt avec des rideaux, des courtines. Il est fréquent que les
enfants dorment avec les parents : il faut se tenir chaud.
On cherche à masquer la saleté dont on
a conscience : on met un vêtement propre ! Grand goût
pour la scatologie. On empile des vêtements peu différenciés. On n'a pas des
sous-vêtements, peut-être une chemise de chambre si on a de l'argent. On porte des
chapeaux, bonnets, toques pour se protéger du froid. Les vêtements chatoyants sont
réservés aux riches. Le plus souvent, ils sont noirs, marron.
Le XVIe,
c'est le siècle des catastrophes. Avec des années qui vont bien et d'autres qui vont
mal. Il y a passage des armées qui torturent et capturent contre rançon. Mais le pire
sont les épidémies (grippe, typhoïde, variole, syphilis), menaces qui vont perdurer
jusqu'en 1670. Devant l'incapacité de se soigner, on emploie la magie (culture des Saints
: Antoine, Sébastien, Roc).
Après 1550, il y a le petit âge
glaciaire.
La population précarisée est nombreuse
: ¾ de la population est sur le fil du rasoir. Et on voit se multiplier des pauvres et
des vagabonds. Le seuil de pauvreté : 70% du budget pour l'alimentation. Les pauvres sont
aussi les veuves, les vieux.
L'alimentation est céréalière, le pain est cuit une fois par semaine, que l'on plonge dans la soupe
pour le ramollir. Il est possible qu'après 1550, il y ait recul de la viande et de la
qualité alimentaire. Quand on peut avoir de la viande, c'est du porc car il se sale. On
fait bouillir (céréales, viandes, soupe). La viande à la broche est un luxe. On
consomme de grosse quantité de sel qui est un aliment indispensable. On boit du vin très
mauvais, de la bière, du cidre, les eaux de vie (au XVIIe).
Il y existe un ancien régime biologique.
2) La culture populaire.
Ce n'est pas l'écrit, ce
n'est pas l'école. Tout l'ancien régime est fondé
sur la famille, la taverne, le métier. Il y a donc des
structures d'encadrements. Là, les différences sont notables entre nobles, paysans,
notables. Les notables jugent les paysans comme crasseux, plébéiens, "humanité
vulgaire" (étudiant B.Poissenot).
Il y a mélange de magie, superstition que
l'Eglise commence à vouloir détruire. Il y a recherche à se sécuriser. C'est une
pensée qui n'est pas cartésienne. Il y a des familiarités avec les forces obscures : on
se rencontre au cimetière, on y fait des rendez-vous aux jeunes filles.
La sage-femme porteuse d'un minimum de
connaissance, est à la limite de la magicienne. Il y a des jeteurs de sorts partout.
C'est l'univers quotidien dans toutes les classes. On ne peut pas parler de sous-culture.
Il faut savoir entrer à la taverne, commander, offrir une tournée, apprendre à boire.
Il y a des codes.
Ce sont les femmes
qui transmettent cette culture, mais aussi les personnes plus
âgées. On raconte des histoires de loup-garou, de fées. Pour les garçons, il y a les
royaumes de jeunesse: on se retrouve en bande (tabasse les jeunes d'à côté.). Ils
animent des fêtes. Il s'agit de canaliser les forces et de canaliser le stock de femmes
à marier (c'est pour ça qu'entre village on se tabasse).
3) Une
sociabilité villageoise.
Le village est le centre du
monde l'ego qui se différencie à l'autre. C'est un lieu fermé ; l'horizon est borné :
le terroir, le paysage (20-25km). C'est là qu'on se marie. D'où la nécessité des
bandes de villages qui définissent l'identité villageoise.
La société a d'autres règles. La nuit
appartient aux jeunes gens, aux démons... La vie est chrétienne ou un jour sur trois est férié. En plus il y a les fêtes agricoles.
C'est une civilisation qui ne compte pas le temps. A peine connaît-on son année de
naissance. La sociabilité s'organise autour de la famille de plus en plus nucléaire. Il y a une parenté étendue qui fait partie
du lignage, même chez les
paysans. Il y a l'amitié. Il y a trois formes essentielles : Le sang, le mariage qui
scelle les alliances, le spirituel (entre parrain et filleul). Il existe de fine
stratégie maritale chez les familles.
L'individu n'est pas seul ; il est lié par la
famille, le travail, la géographie. Tout ce qui est fait est connu. Mais c'est la seule
façon d'être. Le pauvre, c'est celui qui est tout seul.
Il y a des lieux de sociabilité : la place du
village : on joue aux boules, aux quilles, à la paume. L'église, où se réunissent les
hommes. Il y a les veillées mixtes ou l'on fait l'amour (courtiser). Le rôle des jeux,
des fêtes est essentiel. Le village est conçu comme une forteresse mentale qui se
défini par rapport aux autres, barrière de sécurité mais frontière contraignante
aussi.
Il s'agit de 20% de la population au
maximum, mais elle échappe au régime des nobles.
1) Les élites urbaines.
Paris: 200 000, Lyon : 60
000, Rouen, Toulouse et loin derrière Bordeaux et Marseille.
Il y a un accord tacite avec le roi. Les
élus lui font un serment. Dans une ville comme Lyon, la politique est tenue par une
centaine d'individus. Le roi montre son amour et les villes leur attachement : voir les
entrées dans les villes théâtralisées.
Il y a de grandes fêtes urbaines à laquelle assiste
toute la population : Te deum. Mais ces fêtes sont des mouvements de défoulements
(Carnaval). Et ces fêtes commencent à troubler les élites car elles tournent souvent à
l'émeute. Alors on le ritualise et on le contrôle. Le carnaval lui-même va être limité. C'est le monde de l'inversion ; il y a des
jugements bouffons. Mais c'est en perte de vitesse dans la deuxième partie du siècle.
2) La
culture écrite.
Les villes Paris, Lyon sont
les grandes villes d'éditions. On estime que pendant le XVIe,
60 000 éditions soit 60-90 000 de livres. Mais ça fait un livre par français. Le livre
est un objet souvent sacré, d'où sa surveillance. 1521, la Sorbonne va surveiller les
livres et en 1526, il y a apparition de la censure (protestantisme). On crée le dépôt
légal.
Il y a multiplication des placards, des
gravures, des canards. C'est aussi l'art de l'Eglise qu'il faut décoder. C'est la galaxie Gutenberg. On commence à l'étudier
: elle est bourrée de référence antique, de vertus nobiliaires et chrétiennes. On
retrouve la fusion de la renaissance.
Il y a mépris de la campagne, mais aussi une
fascination : nature ordonnée et dominée. Fascination mythique. C'est le rêve de la
renaissance. La campagne serait le conservatoire des traditions.
3)
L'enseignement.
L'enseignement est urbain ; il n'y a que la ville qui le
dispense. Pour les protestants, le savoir est le salut : il faut pouvoir lire la Bible. Il
y aura donc rapide alphabétisation des familles. 1538, fondation du collège de
Strasbourg qui deviendra académie. Ce modèle protestant est un cursus d'une dizaine
d'année. Ce modèle du collège protestant va se développer dans la France du sud.
Coligny, Sully vont fonder des collèges de la même façon.
Ils sont réservés aux élites mais avec
l'externat, on l'étend au petit peuple. L'enseignement est en français. On lit
l'enseignement religieux. Il y a le culte matin et soir. Septembre c'est les vacances :
vendanges. Le réseau des académies comporte huit institutions.
En ville il y a un réseau de petites écoles
chargées de dégrossir les paysans pour former des clercs. Il y a des
"écolages" : ce sont des communautés jurées. Les urbains seront plus
rapidement alphabète.
Les effectifs universitaires restent modestes :
Sorbonne 6 000.
La grande nouveauté, c'est le collège des jésuites. On retrouve les
soucis scolaires dans la religion. C'est le modèle d'enfermement, pour les isoler du
monde extérieur. Les élèves sont des internes, les profs aussi. On dresse les âmes,
mais aussi le corps. Le premier ouvre à Billom en Auvergne en 1566. A la fin du XVIe, en 1594, il y en a 20 et en 1640: 70. Toutes les grandes villes et
moyennes ont été pourvues. On peut estimer 40 000 élèves jésuites. Ils ont mis au
point la Ratio Studiorum, organisation en huit classes correspondant à un enseignement
secondaire. Le latin est obligatoire. On veut former des catholiques militants voir des
dévots.
Les jésuites ne sont pas tout seuls, il y a
aussi les oratoriens et d'autres congrégations. La volonté est de former des élites.
La nouveauté du XVIe, c'est
le dressage des âmes et du corps que l'Etat, l'Eglise vont faire.
1) Les réformes
religieuses.
Au milieu du XVIe,
le calvinisme représente 10% des français. C'est le maximum. Les protestants
développent un style de vie particulier. Le culte à lieu souvent, les psaumes sont un
moyen de s'affirmer. Le consistoire contrôle les murs ; y siègent les anciens. Ils
sont sévères avec les mariages bigarrés. Pour les populations, ça ne l'est pas tant
que ça. On surveille tout ce qui est bals, ivrognerie, taverne. Il faut développer les
funérailles. Il y a un début d'acculturation.
Il y a aussi le renouveau catholique, tardif à
cause des guerres de religions. Il y a eu d'abord un recul. Puis on veut reprendre les
choses en main. 1595, l'évêque de Voisons tente de supprimer les superstitions
catholiques.
2) La
chasse aux sorcières.
Contrôle et dialogue entre
les élites et le peuple. L'essentiel des répressions: 1580-1630. On commence à
pourchasser les sorcières quand on ne peut plus tuer des protestants. Après 1572 et la
St Barthélemy, on la voit se développer.
La France a été épargnée par rapport à la Flandre, la Savoie, l'Allemagne. Lorsqu'il
y a procès, 9 fois sur 10 il y a acquittement.
En Lorraine il y a eu entre 2 à 3 000 bûchers.
La sorcellerie est J.Bodin : "le crime
absolu". La sorcière est l'antithèse du prince chrétien. Elle est le diable
incarné. Les procès ont lieu par les tribunaux régionaux. La sorcière représente la
culture rurale qu'il faut éliminer.
Les sorcières sont en villes diabolisées avec
toute la culture rurale. C'est une modernisation imposée par le monde urbain.
Les paysans sont angoissés par le lendemain. En face, il y a les phantasmes du juge. Ces
deux univers mentaux se rencontrent sur le dos des sorcières
3) Le
modèle absolutiste
La centralisation l'emporte peu à peu. Les
représentants du roi impose une certaine rigueur: fiscalisation.
En 1552, Henri II a créé les présidiaux. 1539, Edit de Villers Cotterets.
Le supplice doit être extraordinaire car il est
l'expression de la puissance royale. C'est un but pédagogique. On classe les délits et
les peines. La paillardise, le larcin, les atteintes à l'individu, lèse-majesté
(désertion fausse monnaie, sorcellerie). Tous les crimes viennent de l'oisiveté alors on
réprime les marginaux (pauvres, miséreux).
Le pauvre traditionnel, image du christ, perd
son image et devient dangereux : vol, sale, porteur de peste. Après la grande rebeine on
crée à Lyon l'aumône générale. Désormais le grand banditisme est coupable de la
roue.
4) Souci de
civilisation des élites.
C'est le monde de la cour de
François I, Henri II, Henri III, raffinée, mi-féminisée, italianisée. Il y a la
naissance du courtisan sur le modèle d'Erasme. B. Castiglione 1528. Volonté de
domestication avec naissance de nouveaux rites sexuels. Dorénavant, le modèle des bonnes
murs est passé de l'aristocratie à la ville et à la cour.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Mercis au professeur !
Mise à jour du : 23/03/99