Recommandations pour assurer le bien-être et la sécurité des habitants d'une cité

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   En ce qui concerne les dispositions militaires, il faut que la sortie de la ville soit aisée pour ses habitants, mais que l'accès et l'investissement en soient difficiles à ses adversaires, et elle doit surtout posséder une quantité suffisante d'eau de ruisseaux sortant de son sol, et si ce n'est pas le cas on a trouvé le moyen d'y remédier par la construction de nombreux et vastes réservoirs pour les eaux de pluie, de façon qu'on ne soit jamais à court si on est coupé de l'arrière-pays par la guerre. Et puisqu'il faut se soucier de la santé des habitants, la condition s'en trouve dans une bonne situation et une bonne orientation, et, en second lieu, dans l'utilisation d'eaux saines, et il ne s'agit pas là d'une précaution secondaire. Car c'est ce que nous consommons le plus et le plus souvent pour notre corps qui a le plus d'influence sur notre santé, et les eaux et l'air ont une fonction de cette nature. C'est pourquoi dans les cités prudemment gouvernées, si tous les ruisseaux de cette sorte ne sont pas réguliers et nombreux, il faut distinguer les eaux pour l'alimentation et les eaux pour les autres usages.
   Pour ce qui est des lieux fortifiés, la même chose n'est pas avantageuse pour toutes les constitutions. Ainsi une acropole convient à une oligarchie et à une monarchie, un plat pays à une démocratie ... On estime par ailleurs que la disposition des habitations privées est plus agréable et plus utile pour les différentes activités, si elle se fait selon une division régulière à la manière moderne, c'est-à-dire celle d'Hippodamos ; mais pour la sécurité en temps de guerre il semble que ce soit le contraire et qu'il vaille mieux la manière de l'ancien temps, car avec elle les étrangers ont du mal à entrer et les envahisseurs du mal à s'orienter. C'est pourquoi il faut combiner les deux, ce qui est possible si on dispose les habitations comme chez les paysans certaines vignes qu'on dit "en quinconce", et ne pas découper régulièrement la ville tout entière, mais quelques parties et secteurs. Ainsi tout ira bien tant pour la sécurité que pour la beauté.
   Pour ce qui est des remparts, ceux qui disent que les cités prétendant à la vaillance ne doivent pas en avoir, ont une position trop archaïque, alors qu'ils voient démenties par les faits les cités qui se sont ainsi vantées. De fait, face à des ennemis identiques à soi et pas beaucoup plus nombreux, il n'est pas honorable de chercher son salut par le moyen de la fortification de ses remparts, mais puisqu'il arrive et qu'il peut arriver que le nombre des assaillants l'emporte de beaucoup sur la valeur humaine du petit nombre, si l'on doit assurer son salut et ne subir ni mal ni outrage, il faut être d'avis qu'une fortification des remparts est le moyen le plus sûr qui convient le mieux à la guerre, surtout aujourd'hui où des inventions ont accru la précision des projectiles et des machines employés dans les sièges.

Aristote, Les Politiques, GF-Flammarion [trad: P. Pellegrin], livre VII, ch. 1 l, 3-8.

 

 



Mise à jour du : 15/12/98