Lysias, victime des Trente

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   Théognis et Pison déclarèrent dans le Conseil des Trente que, parmi les résidents étrangers, il y en avait d'hostiles à la constitution : "excellent prétexte pour se procurer de l'argent, sous couleur de faire un exemple ; la ville était sans ressources, et le pouvoir avait besoin de fonds". Ils n'eurent pas de peine à persuader des auditeurs qui comptaient pour rien la vie des gens, et pour beaucoup l'argent qu'ils en tireraient. On décida d'arrêter dix étrangers, et, dans le groupe, deux pauvres, afin de pouvoir protester auprès du public que la mesure avait été dictée non par la cupidité, mais par l'intérêt de l'Etat, comme tout le reste. Ils se partagent donc les maisons, et les voilà en route. Pour moi, ils me trouvent à table avec des hôtes ; ils les chassent et me livrent à Pison. Le reste de la bande entre dans l'atelier et dresse la liste des esclaves. Je dis à Pison : "Veux-tu me sauver pour de l'argent ?". "Oui, répond-il, si la somme est forte". Je me déclarai prêt à lui donner un talent. "Entendu !" fit-il. Je le connaissais pour n'avoir ni foi ni loi. ; pourtant, dans ma situation, il me parut indispensable d'exiger de lui un serment. Il jura sur la tête de ses enfants et sur la sienne de me sauver la vie pour un talent. J'entre alors dans ma chambre, et j'ouvre mon coffre. Pison s'en aperçoit, entre à son tour, et, voyant le contenu, il appelle deux de ses aides et leur ordonne de s'en saisir. Ce n'était plus seulement la somme, mais trois talents d'argent, quatre cents cyzicènes, cent dariques et quatre coupes d'argent : je lui demandai de me laisser au moins de quoi voyager. "Tu devras t'estimer heureux, me répondit-il, si tu as la vie sauve. "

Lysias, Contre Eratosthène, 6-1 l.

 

 



Mise à jour du : 15/12/98