Le procès de Timarque, ou la corruption dans l'Athènes du IVe siècle

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    Bien qu'il soit encore très jeune, comme vous pouvez vous en rendre compte vous-mêmes, il n'y a pas de charge qu'il n'ait exercée, n'ayant cependant jamais été désigné par le sort ou par l'élection, mais les ayant toutes obtenues par la corruption au mépris des lois.(...)
   Il, devint bouleute sous l'archontat de Nicophèmos, vous le savez, Athéniens. Or, il serait impossible d'énumérer tous les méfaits dont il se rendit coupable pendant cette année-là avec le peu de temps dont je dispose aujourd'hui. (...) Donc, sous l'archontat de Nicophèmos, alors qu'il était bouleute, il s'entendit avec Hègèsandros, frère de Crobylos, qui était alors trésorier de la déesse, et tous deux volèrent mille drachmes à la cité. Un citoyen honnête, Pamphylos, du dème d'Acherdonte, ayant eu connaissance de I'affaire, prit la parole à I'Assemblée dans les termes suivants : "Ô Athéniens, un homme et une femme sont en train de vous voler mille drachmes" – Et comme vous vous étonniez et demandiez de quel homme et de quelle femme il s'agissait, il répondit après quelques instants : "Vous ne voyez pas ce que je veux dire? L'homme aujourd'hui c'est Hègèsandros qui a été la femme de Léodamas, et la femme c'est Timarque que vous voyez là." Après quoi il reprit : "Que dois ;je vous conseiller, Athéniens? Si la Boulè condamne Timarque et l'assigne devant le tribunal, donnez aux conseillers la récompense habituelle ; mais si elle l'acquitte, ne la lui donnez pas, et souvenez-vous de ce jour." La Boulè étant ensuite retournée au Bouleutèrion, vota d'abord l'exclusion de Timarque, puis revint sur son vote. II ne fut donc ni chassé de la Boulè, ni livré au tribunal, et bien que cela soit pénible à rappeler, la Boulè ne reçut pas la récompense habituelle. Qu'on ne vous voie pas maintenant, Athéniens, vous qui avez blâmé la Boulè et qui avez privé cinq-cents citoyens de la couronne, pour ne l'avoir pas condamné, acquitter le même homme et conserver au sein du peuple un orateur qui a fait tant de mal dans le Conseil.
   Cependant s'il s'est comporté ainsi dans les magistratures tirées au sort, peut-être fut-il meilleur dans celles que donne l'élection? Mais qui de vous pourrait ignorer les malversations qu'il a commises et qui sont de notoriété publique? Envoyé par vous pour inspecter les mercenaires à Erétrie, seul des inspecteurs, il a reconnu avoir reçu de l'argent ; il n'a pas même discuté la chose, mais avouant son méfait par là même, il a seulement cherché à diminuer l'amende. Pourtant vous avez condamné ceux qui niaient à une amende d'un talent chacun, et lui à trente mines* seulement, alors que les lois ordonnent la mort pour celui qui avoue et la mise en jugement de celui qui nie. Mais cet individu a pour vous un tel mépris qu'aussitôt après cela, il a réussi à arracher au peuple deux mille drachmes lors du vote qui a eu lieu dans les dèmes. II prétendait en effet que Philotadès, du dème de Kydathènaion, un citoyen, était son affranchi, et il avait réussi à convaincre ses démotes de l'exclure des listes civiques. Il avait soutenu l'accusation devant le tribunal, et prenant dans ses mains les objets consacrés, il avait juré n'avoir pas reçu de présents et s'engager à n'en pas recevoir dans l'avenir, prenant à témoins les dieux protecteurs et appelant sur lui la malédiction s'il se parjurait ; il fut pourtant convaincu d'avoir accepté de Leuconidès, un parent de Philotadès, par l'intermédiaire de l'acteur Philémon, vingt mines que peu après il dépensait pour la courtisane Philoxène, après quoi il abandonne son action, ayant ainsi violé son serment.

Eschine, Contre Timarque,106-107 ; 109-115.

 

 



Mise à jour du : 15/12/98