L'Opulente Corinthe

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   Les Corinthiens, dit-on, ont montré dans le domaine maritime un esprit d'entreprise semblable au nôtre, et c'est à Corinthe que, pour la première fois en Grèce, ont été construites des trières. Il semble aussi que ce soit pour des Samiens que le constructeur corinthien Améinoclès ait bâti quatre navires ; le voyage d'Améinoclès à Samos se place autant dire trois cents ans avant la fin de notre guerre. Le plus ancien combat naval que nous connaissions survient entre Corinthiens et Corcyréens et il a lieu, autant dire deux cent soixante ans avant la même date. Habitant une ville sise sur l'Isthme, les Corinthiens avaient toujours disposé d'une place de commerce ; les Grecs d'autrefois usaient plus de la terre que de la mer, et c'est en passant par leur ville que les gens du Péloponnèse et ceux du dehors se rencontraient, d'où pour Corinthe d'abondantes ressources en argent dont témoignent les poètes d'autrefois qui qualifient ce pays d'opulent. De plus, quand les Grecs développèrent la navigation, les Corinthiens, s'étant donné une flotte et possédant une place de commerce sur Ies deux rives de l'Isthme, durent à leurs revenus la puissance de leur cité.

 Thucydide, I, 13,1-5.

 


   Corinthe est dite " opulente " à cause de son port de commerce. Elle est située sur l'Isthme et dispose de deux ports dont l'un est tourné vers l'Asie, l'autre vers l'Italie. L'échange des cargaisons en provenance et à destination de ces deux régions est ainsi facilité pour ceux que sépare une telle distance. Et de même que jadis le passage à travers le détroit de Sicile n'était pas de navigation facile, de même aussi la haute mer et tout particulièrement au-delà du cap Malée où les vents sont contraires. D'où le proverbe : " Quand tu doubles le cap Malée, oublie le chemin du logis. " (...) De même les droits sur les produits qu'on exportait par terre du Péloponnèse et qu'on y importait tombaient entre les mains de ceux qui en détenaient les clefs. Ces données devaient durer longtemps, mais les avantages qu'en tiraient les Corinthiens des époques postérieures s'accrurent encore. En effet, les concours isthmiques qu'on célébrait en ce point attiraient de grandes foules. Et les Bacchiades avant établi leur tyrannie [sic ], riches, nombreux et d'illustre naissance, restèrent au pouvoir pendant environ deux cents ans, et jouirent librement des revenus du port du commerce.

Strabon, VIII, 6, 20 (C 378).

 

   Il s'agit de parler de l'opulence mais aussi des raisons qui ont fait sa prospérité.
   On mentionne la fin de la guerre du Péloponnèse en 404, la tyrannie des Bacchiades de 657 et le combat naval de 664-3.
   Deux textes sont en présences, l'un de Thucydide, l'autre de Strabon. Ces deux auteurs ne sont pas de la même époque, mais ils parlent de la même chose. Le plus éloigné fera le plus facilement des erreurs.
   Thucydide (avant 460 – vers 395) est un athénien du Ve siècle. On sait qu'il appartient à une grande famille athénienne et qu'il a occupé de grandes fonctions, la plus importante étant celle de stratège en 424 pendant laquelle on le charge de défendre la ville d'Amphipolis contre les spartiates. Il échoue et il est condamné à une peine d'exil de vingt ans. Pendant cet exil, il commence la rédaction de Histoire de la guerre du Péloponnèse. C'est un ouvrage fondamental pour l'histoire de la Grèce du Ve siècle, mais aussi l'histoire du monde grec entre 478 et 411. Au bout des vingt années d'exil, il rentre à Athènes et y meurt. Thucydide est considéré comme le premier véritable historien : il est le premier à raconter l'histoire des hommes sans faire intervenir les divinités.
   Strabon (64 av J.-C. – 21ap) est un grec originaire du Pont. Il appartient à une grande famille locale et il a été un grand voyageur, ses voyages lui on permit d'écrire deux livres, l'un sur l'histoire grecque de 145 à 21ap J.-C et l'autre Géographie. L'ouvrage est aussi fondamental : Strabon fait un tableau historique et géographique du monde méditerranéen à son époque. Et pour chaque région, il donne des informations historiques. Le seul inconvénient et l'ancienneté des évènements cités.

 

I] Les atouts de la corinthie


         1) Une bonne situation géographique
   La ville est située sur un isthme, coincée entre le golfe de Corinthe et le golfe Saronique. L'auteur parle de gens du dehors ; il s'agit des gens du continent. Les Péloponnésiens qui veulent passer sur le continent doivent passer par Corinthe ; c'est donc un nœud de communication terrestre.
   Corinthe excellemment bien placée géographique, est aussi un lieu de rassemblement panhellénique important. Les jeux isthmiques ont lieu dans le sanctuaire panhellénique de Poséidon. C'est une copie des Jeux Olympiques : tous les quatre ans, même jeux, même récompenses. Et les jeux attirent tout le monde et donc les marchands. S'y ajoute le sanctuaire d'Aphrodite, au sommet d'une colline de 500 mètres : l'acrocorinthe. Dans ce sanctuaire, il y avait 1 000 hiérodules qui prenaient grand soin des pèlerins ! Elles attiraient beaucoup de monde aussi….

         2) De bonnes infrastructures.
   Mais aussi, c'est un nœud de relations maritimes. Ses ports sont tournés vers l'Asie et vers l'Italie. Les fouilles nous ont permis de les retrouver. Le premier à Kenchrée (Kenchréai) et l'autre à Lechaion (Vrachali). Mais Strabon se trompe en parlant de deux ports : il en est un troisième à l'est : Perachora.
   C'est une zone d'échange pour les cargaisons. Corinthe est un relais commercial. Les corinthiens transportent les bateaux sur le diolcos. On hâlait les bâtiments sur des chariots le long d'une voie d'hâlée qui court tout le long de l'Isthme. Le système ingénieux demandait des hommes en nombre considérable.
   De plus, ce système évite un grand problème : celui du cap Malé, dont la navigation est dangereuse par ses remouds et courants.

 

II] Corinthe, un lieu d'échange


         1) Les produits échangés
   Aucun des deux textes n'explicite les marchandises qui transitent à Corinthe. Pour les marchandises extérieures, elles sont multiples : marbre, vin, tissus, ors, esclaves. Et les corinthiens eux-mêmes exportaient de la céramique.
   Il s'agit de céramiques proto-corintiennes. Elles sont de petites tailles pour la vie quotidienne : la toilette, l'alimentation. Ils sont proto-géométriques. Ils ont une caractéristique : ils portent des frises animalières. A l'époque archaïque, les corinthiens inondent le monde grec de ce produit. Elle sera détrônée plus tard par la céramique athénienne.
   Corinthe implique des échanges à longue distance, à l'échelle internationale. On trouve des produits corinthiens à l'étranger avec le Pont-Euxin, le Proche-Orient, l'Italie et toutes les cités grecques de la Grande Grèce. On peut même dire que l'éloge de Strabon est en deçà de la réalité.

         2) les Corinthiens et la mer
   On note une relation intime entre Corinthe et la mer dans le début de Thucydide. Ors un peu plus bas on apprend que les Grecs regardaient autrefois plus vers la terre.
   On remarquera une erreur de Thucydide. Il dit que les premières trières sont crées au VIIIe siècle, ors les premières données archéologiques date du VIe siècle. Thucydide veut peut-être parler d'un autre type de bâtiment : le pentécontore, qui existait à l'époque. On apprend que les corinthiens ont été une puissance maritime : ils ont inventé un type de navire et ils disposent d'une flotte de guerre conséquente.
   En d'autres termes, les corinthiens peuvent être une synthèse entre les spartiates qui regardent résolument vers la terre et les Athéniens qui regardent vers la mer.

 

III] Les dividendes


         1) L'arsenal douanier
   Quand un produit étranger quittait ou venait dans un port, on payait un droit de douane. Le simple fait de traverser la corinthie était payable.

         2) Les bénéficiaires
   Il s'agit des Bacchiades, ancienne famille royale corinthienne qui après la chute de la royauté a conservé toute sa puissance. Et elle revient au pouvoir en 657 sous forme de tyrannie.


Mise à jour du : 15/12/98